"L'hybris" ou la démesure : le désir, la libido*, la "passion", le péché ?


"Impatients désirs d'une illustre vengeance

Dont la mort de mon père a formé la naissance,

Enfants impétueux de mon ressentiment,

Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,

Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire

[...]

Quand vous me présentez cette sanglante image,

La cause de ma haine, et l'effet de sa rage,

Je m'abandonne toute à vos ardents transports,

Et crois, pour une mort, lui devoir mille morts.

Au milieu toutefois d'une fureur si juste,

J'aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,

Et je sens refroidir ce bouillant mouvement

Quand il faut, pour le suivre, exposer mon amant."

Corneille, Cinna, I, 1


Emilie,

ou l'une des nombreuses figures de l'insoumission aristocratique chez Corneille


cf. L'éloge et le blâme : la critique des sentiments extrêmes (le roman, la tragédie, la comédie, l'essai)

=> la critiques des personnages à "idée fixe" (les monomaniques de "La Comédie humaine" de Balzac), le comique de caractère des comédies de Molière, la mise en scène de "l'hybris" dans la tragédie ("tragos-ôde") : "mimesis" et "catharsis" de l'Antiquité au théâtre classique en France (la dénonciation des "passions" du théâtre de Racine)

Rappel : l'éloge et/ou le blâme en littérature expriment la subjectivité du jugement qui fait appel à des valeurs esthétiques, éthiques, sociales / normes liées à une époque (un mouvement) et un genre littéraire. Il est lié au goût (au « sensible »), à la distinction de critères individuels et/ou sociaux.

Les critères de l'éloge et/ou du blâme :

  • esthétiques (beau/laid)

  • éthiques (bien/mal ; honnête/malhonnête)

  • de droit (juste/injuste ; honnête/malhonnête ; loyal/déloyal)

  • pratiques, fonctionnels, pragmatiques, stratégiques (utile/inutile ; constructif/ destructif)

  • sociaux (noble/vulgaire (commun) ; bas/élevé

  • artistiques (art/artifice ; artiste/artisan ; naturel/culturel ; naturel/artificiel)

  • philosophiques (X la physique et la métaphysique complémentaires dans l'Antiquité grecque) (; temporel/éternel; matériel/spirituel; corps/esprit; matière/âme)

    * être/paraître

Référentiel (bas-élevé) : culture du mépris, de la distinction, du cynisme

Evolution : progrès ou dégradation des valeurs héroïques/humaines ?

Honneur/ Déshonneur : loyal/déloyal, gentil, rusé, cynique, pathétique, vilain, noble, vulgaire, généreux

=>ces mots ont-ils aujourd'hui le même sens ?


Débat sur l'esthétique : Qu'est-ce que le beau ?


De dénotations en connotations, observez comment des glissements peuvent s'opérer, des amalgames servir d'aliments à des polémiques, des analogies faire éclore des "fleurs de rêve" (ou de cauchemars) poétiques.


Antithèses : vide/plein ; haut/bas ; obscur/clair...


Quelles associations d'idées et d'images ces mots provoquent-ils ?


"Les mots s'allument de reflets réciproques", Stéphane Mallarmé


Roman collectif "générationnel" : cf. www.tempoeroman.blogspot.com


"On en pense que par images, si tu veux être philosophe écris des romans", Camus


Invention : quelle(s) réussite(s) pour demain ?


=> Les Caractères, La Bruyère ; La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette,


Héros ou anti-héros ?


La démesure du "héros" ("l'hybris"), l'excès, le désir, la libido*, la "passion", le péché**, le vice, la concupiscence*** , la convoitise, l'avidité, la jalousie, le crime, la folie ("furor"), le trouble, la déraison, la subversion, la rébellion, la marginalité, l'amoralité, l'immoralité, le désordre, le chaos, l'anarchie?

L'honnêteté : la mesure et la raison de "l'honnête homme" (morale, équilibre, modération, tempérance, prudence, vertu) => La "belle personne", Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves

* la libido : le désir (en latin)

Saint Augustin fut le premier à distinguer trois types de désirs : la "libido sciendi" (ldésir de connaissance), la "libido sentiendi" (désir sensuel au sens large) et la "libido dominandi" (désir de dominer). Cette catégorisation a été reprise par Jansénius (à l'origine du Jansénisme (cf. Pascal et Racine au XVIIème siècle).

En philosophie, Spinoza emploie le terme au sens d'appétit sensuel ("libido est etiam cupiditas et amor in commiscendis corporibus", Eth, III, déf.48)

En psychanalyse, c'est le désir sexuel pour Freud (une force ou énergie pulsionnelle qui entre en conflit avec les conventions et le comportement civilisé), l'énergie créatrice pour Jung.


** Dans la religion catholique, identifiés par saint Thomas d'Aquin, les péchés capitaux (7) correspondent aux péchés dont découlent tous les autres : la paresse ("acédie" : paresse spirituelle), l'orgueil, la gourmandise, la luxure, l'avarice, la colère et l'envie.


*** la concupiscence : penchant pour les plaisirs sensuels (synonymes : appétit, attrait, convoitise, désir, inclinaison, penchant, sensualité)


Jérôme Bosch, Les Sept Péchés capitaux (Vers 1450), Musée du Prado, Madrid