1ère ES 1 - Descriptif de l'objet d'étude n° 3 : le théâtre

Descriptif : THEATRE - 1ère ES 1 -

LE THÉÂTRE : texte et représentation

Perspective dominante : étude des genres et des registres


Perspectives complémentaires : histoire littéraire et culturelle ; intertextualité et singularité des textes.


La séquence a été centrée sur l’analyse du genre théâtral dans le texte et dans les relations à la représentation (variation selon les genres, les registres, les époques, et les mises en scène).


La lecture intégrale d’une comédie du XVIIIème siècle, La Folle journée ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais vise à étudier le théâtre comme lieu d’échanges et d’affrontements. L’étude de cette comédie a permis d’apprécier le lien entre le texte et sa représentation, d’analyser l’évolution du théâtre et des mises en scène, et plus particulièrement dans le cadre de ce corpus les fonctions du dialogue théâtral.


La lecture intégrale d’une comédie du XVIIIème siècle, La Folle journée ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais et la représentation de mises en scène des textes du corpus extraits de cette comédie dans le cadre de la classe, ont permis d'apprécier le lien entre le texte de théâtre et sa représentation et d'étudier le dialogue de théâtre comme un « champ de forces », suivant l'expression d'Antoine Vitez, le dialogue et la scène de théâtre comme un lieu d'échanges et/ou d'affrontements.

Les sorties au théâtre complètent cette formation par l'analyse de l’évolution du théâtre et des mises en scène suivant les perspectives de la construction des personnages en lien avec les propositions scénographiques, pour contribuer au développement de l'esprit critique (en perspective croisée avec l'argumentation : convaincre, persuader, délibérer) et nourrir la réflexion sur la place du sujet dans l'histoire de la communication et des représentations, l'enquête « générationnelle » mise en place pour la rentrée de février dans le cadre de l'étude du roman et de la poésie en vue de la rédaction d'un roman collectif.


Lecture intégrale : lecture analytique de 5 extraits de La Folle journée ou Le Mariage de Figaro, Beaumarchais (1784)


1.Acte I, scène 1 : de « Tu prends de l’humeur » à « le racheter en secret aujourd’hui. »

2.Acte II, scène 2 : du début de la scène à « à vous voir aujourd’hui pendant le bal».

3.Acte II, scène 19 : du début à « c’est toi qui payeras pour tout le monde. »

4.Acte III, scène 5 : de «Autrefois tu me disais tout. […] et le paye en sa monnaie.»

5.Acte V, scène 8 : de « Ah ! madame, je vous adore. » à la fin de la scène.


Activités complémentaires :

Les fonctions du dialogue théâtral : "un champ de forces", Antoine Vitez;

Les valeurs des « Lumières » et l’évolution du personnage de Figaro du Barbier de Séville au Mariage de Figaro : la relation maître et valet, du valet de comédie au « picaro » ["Beaumarchais, l'insolent", le film d'Edouard Molinaro et son making of (sous réserve, suivant l'évolution de la classe)] => vendredi 11 février.

Le texte et sa représentation : l'apparition du metteur en scène et son évolution dans l'histoire du théâtre (documents polycopiés : une interview de Roger Planchon et le Memento pour une lecture chorale de Yannick Mancel).

Activités / Lectures personnelles :


Sorties au théâtre et dossiers d'analyse critiques des représentations théâtrales (dans leur relation au texte) :

Forêts, Wajdi Mouawad, Théâtre de Chaillot [à l'exception de quelques élèves qui avaient des engagements à la rentrée de septembre]

La Cerisaie, Anton Tchékov, Théâtre de l'Odéon

Le Jeu de l'amour et du hasard, Marivaux, Théâtre de l'Odéon

Les Demoiselles de Wilko, Théâtre de Chaillot (le 27 avril)


Lectures :

"La Lettre aux acteurs", extraite du Théâtre des paroles de Valère Novarina

Dom Juan, Molière, Le Barbier de Séville, Beaumarchais, On ne badine pas avec l'amour, Musset.

Les Noces de Figaro et Don Giovanni de Mozart : audition de l'ouverture et d'extraits des deux opéras.


Ateliers de théâtre : initiation au plateau et mise en scène d'extraits du "Le Sang des promesses" de Wajdi Mouawad (au théâtre) ; mise en scène d'extraits du Mariage de Figaro de Beaumarchais (en classe); mise en scène chorale de la scène d'exposition de Bulbus d'Anjia Hilling (en classe).

D'autres expériences de plateau sont envisagées, suivant l'évolution de la classe :

Exercices de diction et de mise en scène à partir de la scène d'exposition du Triomphe de l'amour de Marivaux suivant une proposition de Stanislas Nordey au TNB de Rennes.

Une mise en scène des scènes d'exposition et de clôture de La Cerisaie d'Anton Tchekov, suivant une mise en scène proposée par les élèves, avant l'étude de celle de Stanislavski à sa création, pour commenter de façon plus autorisée celle de Julie Brochen à l'Odéon-Théâtre de l'Europe.

Pensez à compléter avec votre expérience personnelle de théâtre : les cours de théâtre que vous avez peut-être suivis, les pièces que vous avez montées et les rôles que que vous avez interprétés, celles que vous avez lues, vues et/ou étudiées ...

Le Mariage de Figaro , III, 5 : aide méthodologique pour illustrer la dissertation

Extrait de la correction du commentaire de la scène 5 de l'acte 3 du Mariage de Figaro pour illustrer la thèse de votre dissertation :


En vue de la préparation du bac blanc : oral et écrit

Dissertation pour vendredi 21 janvier :

Vous vous demanderez ce qui, depuis l'Antiquité, pousse les hommes à écrire des pièces de théâtre et à assister à des représentations.

Vous vous interrogerez sur les caractéristiques et les fonctions du genre théâtral et sur les relations du texte et de sa représentation, en vous appuyant sur le corpus des textes de théâtre que vous avez lus et étudiés (notamment dans le cadre des cours de 2de et de 1ère), sur les pièces que vous connaissez, pour les avoir lues ou vues au théâtre.

Exemple pour la dissertation n° 8 : le théâtre : texte et représentation <= le comique de situation des apartés (étude des didascalies)


Le comique de situation : les apartés indiqués par les didascalies ponctuent la scène, plus particulièrement l'extrait étudié, à la fin de son premier tiers et à la fin de l'extrait.

Cet effet comique propre au théâtre est rendu possible par la double énonciation qui permet de diviser la scène en deux pour voir et entendre les deux personnages prendre à parti le spectateur. Il provoque ainsi un double effet comique de mise en abîme, de comédie dans la comédie qui rend le spectateur seul maître du jeu, capable d’apprécier le double jeu des personnages : d’attaque de l’un qui cherche à savoir, et d’esquive de l’autre qui ne veut pas se trahir.


*****

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, acte III, extrait de la scène 5, 1784


Le Comte :

... Autrefois tu me disais tout.


Figaro :

Et maintenant je ne vous cache rien.


Le Comte :

Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association ?


Figaro :

Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.


Le Comte :

Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?


Figaro :

C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.


Le Comte :

Une réputation détestable !


Figaro :

Et si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?


Le Comte :

Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.


Figaro :

Comment voulez-vous ? La foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi c'est fait ; pour moi, j'y renonce.


Le Comte :

A la fortune ? (A part.) Voici du neuf.


Figaro, à part :

A mon tour maintenant. (Haut.) Votre excellence m'a gratifié de la conciergerie du château ; c'est un fort joli sort : à la vérité, je ne serai pas le courrier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais, en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie...


Le Comte :

Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?


Figaro :

Il faudrait la quitter si souvent, que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.


Le Comte :

Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.


Figaro :

De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant, et l'on arrive à tout.


Le Comte :

... Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.


Figaro :

Je la sais.


Le Comte :

Comme l'anglais, le fond de la langue !


Figaro :

Oui, s'il y avait ici de quoi se vanter. Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore ; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !


Le Comte :

Eh! c'est l'intrigue que tu définis !


Figaro :

La politique, l'intrigue, volontiers ; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! J'aime mieux ma mie, ô gué ! comme dit la chanson du bon Roi.


Le Comte, à part.

Il veut rester. J'entends... Suzanne m'a trahi.


Figaro, à part.

Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.


*****

Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, III, 5 (1785) : la scène de confrontation

Le théâtre, «un « champ de forces » : quel est l'intérêt dramatique de cette scène ?

(Quelles sont les fonctions du dialogue de théâtre ?)

Le théâtre au siècle des « Lumières » : un théâtre de situation, de Marivaux à Beaumarchais

Le THEATRE : texte et représentation (la double énonciation)

La comédie du XVIIIème siècle se caractérise par un mélange des registres et une évolution dans la relation maître-valet : des valets du théâtre burlesque de la Commedia dell’arte (avec le personnage d’Arlequin notamment) et des comédies de Molière (avec La Flèche, Scapin, Sganarelle et la servante Dorine dans Tartuffe) à ceux des comédies de Marivaux et de Beaumarchais, avec Figaro qui devient un personnage à part entière, complexe et évolutif, le statut du valet de comédie se transforme : de type, il devient individu et gagne en épaisseur psychologique.

Cet extrait de la scène 5 de l’acte 3, au centre de la comédie satirique, met en scène le premier face à face entre Almaviva et Figaro, le seul de toute la comédie : les deux personnages qui étaient complices depuis leurs retrouvailles dans la scène deux du premier acte du Barbier de Séville, créé neuf ans plus tôt par le dramaturge, deviennent rivaux, porteurs de valeurs antagoniques. Ce passage représente ce qu’on appellerait dans une tragédie classique, le moment de crise ou l’acmé : la relation s’est dégradée entre le maître et le valet qui se trouvent confrontés pour la première fois : le comte libertin qui a épousé Rosine grâce à Figaro, l’ingénieux barbier, le « machiniste » de « l’imbroille » du Barbier de Séville délaisse son épouse après trois ans de mariage. Il a des vues sur Suzanne, la fiancée de son valet devenu concierge du château, et entend bien exercer le « droit du seigneur » qu’il avait pourtant aboli à son mariage avant les noces de la camériste de sa femme avec Figaro. Mais c’est sans compter avec Figaro qui entend ne pas se laisser faire et « attraper ce grand trompeur »… Est-ce lui finalement qui aura le dernier mot ?

Cette scène de double mise en abîme est une aubaine pour des comédiens : chacun des deux hommes cache son jeu, le but du Comte étant de savoir si Figaro est au courant de ses manœuvres malhonnêtes, celui de Figaro de ne pas se démasquer. Le dialogue devient ici un duel verbal à fleurets mouchetés (1er axe) : chacun des deux personnages cherche à découvrir le jeu de l’autre en essayant de ne pas se trahir. Le spectateur suit le cheminement des réflexions de l’un et de l’autre grâce aux apartés permis par la double énonciation. C’est donc à une mise en scène dans la mise en scène que le public assiste, pour son plus grand divertissement, même si le comique de cette scène est plus voilé que certaines autres plus enjouées ou plus enlevées.


I. Un duel verbal : la relation maître-valet (deux thèses en présence).


1 . Inquisition d’Almaviva : « le grand seigneur méchant homme », « jaloux et libertin », ( I, 3) …


Le Comte s’informe : interrogatives accusatrices, offensantes qui ravalent Figaro au rang de valet fourbe et vénal (« Combien la Comtesse t’a-t-elle donné […] ? » ; « Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours du louche en ce que tu fais ? » ).


Cette mise en cause de son fidèle serviteur est choquante pour le public du Barbier de Séville : elle témoigne de l’ingratitude et de la violence du personnage qui exige des confidences (« tu me disais tout »). Elles ne peuvent que déplaire quand on sait comme Figaro ce qu’il cache : la volonté d’abuser d’un « droit honteux ».


L’ironie dramatique réduit le personnage : le public et Figaro savent ce que le Comte ignore encore au début de ce passage, mais qu’il découvrira grâce à son interrogatoire.


Porteur de contre-valeurs, Almaviva représente la tyrannie, l’abus de pouvoir (monologue de Figaro, I, 2). C’est lui qui masque son jeu, qui trahit et qui se permet de plus d’accuser, de critiquer, de mener des interrogatoires et d’acculer son domestique à l’aveu. La démarche inquisitrice d’Almaviva dans cette scène est une nouvelle forme d’ « hybris » dénoncée par la « catharsis » du théâtre de Beaumarchais : Almaviva est non seulement « jaloux et libertin », mais il est fourbe, comme … le Dom Juan de Molière devenu tartuffe, ou comme un « picaro », un personnage dérivé du valet de comédie qui cherche à gravir les échelons de l'échelle sociale…


cf. le sujet d'invention : "Je suis le maître, je parle : allez, obéissez" (Corneille, Sertorius, et Molière, L'Ecole des femmes). Imaginez deux scènes de théâtre, l'une comique et l'autre tragique, dans lesquelles figurera cette réplique.


2. Un dialogue animé : stichomythie des répliques brèves et vives avec les réparties spirituelles et frondeuses de Figaro.

Interrogatives du Comte : interrogatives et interruption de Figaro qui riposte du tac au tac.

Impératifs (« Tenez », « n’humilions pas ») et aphorismes de Figaro : « C’est qu’on en voit partout quand on cherche des torts » (énonciation généralisante avec l’impersonnel « on » et le présent de vérité générale) jusqu’à l’amplification de la tirade sur les courtisans avec effet de chute hyperbolique : « ou je meure ! » (tournure elliptique au subjonctif).

Figaro mène le jeu rhétorique : il interrompt son maître, lui parle à l’impératif (et même à l’impératif négatif) pour lui faire la leçon, généralise avant de retourner le jeu des interrogatives contre celui qui l’avait induit : « Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? » . c’est une première attaque indirecte du Comte avant la tirade contre les courtisans qui vise la malhonnêteté et le libertinage d’Almaviva, « vide et creux » lui aussi, comme ses répliques…


3. Une scène de confrontation entre le maître et son valet : deux thèses en présence.


Figaro, par sa lucidité, l’intelligence et la souplesse de ses répliques ironiques témoigne de son esprit d’à-propos et de sa dignité (« n’humilions pas », «Et si je vaux mieux qu’elle ? »). Il s’oppose au mécanisme inquisiteur chargé de menaces de l’aristocrate arrogant et égocentrique, sûr de son pouvoir. Le droit à l’honneur et au bonheur (« j’y renonce » / « à la fortune ? » ; « heureux avec ma femme » ; « j’aime mieux ma mie, ô gué ! » comme Alceste, le misanthrope de Molière) qu’il revendique montre qu’il a évolué depuis Le Barbier de Séville (« Allons, Figaro, vole à la fortune, mon fils », I, 6), à la différence d’Almaviva qui apparaît comme une « mécanique plaquée sur du vivant ». Les motivations basses que le Comte prête à son valet sont retournées par ce dernier qui refuse de se laisser enfermer dans le carcan des accusations d’un maître indigne : « n’humilions pas l’homme qui nous sert, crainte d’en faire un mauvais valet » ; « C’est qu’on en voit partout quand on cherche des torts » ; « Et si je vaux mieux qu’elle ? ».


Ce sens de la répartie et de la dignité, ce renversement des rôles entre un valet garant de l’honneur et un maître qui déshonore sa condition, rappellent la réplique du spirituel barbier au cours de la scène de retrouvailles entre les deux hommes dans Le Barbier de Séville : « Aux vertus qu’on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? » (I, 2).


La tension entre les deux hommes rappelle, à la veille de la révolution française que le théâtre est avant tout, selon l’expression d’Antoine Vitez, un « champ de forces » : la parole se partage et les ruptures d’équilibre sur la scène du théâtre induisent le plus souvent une distinction dans la hiérachie sociale entre les personnages. Ainsi, cette joute oratoire où le valet semble dominer le maître par son esprit, sa supériorité morale mais aussi l’importance de ses répliques avec notamment sa tirade sur les courtisans de même que le fait qu’Almaviva ne soit pas épargné par la « vis comica » annoncent les revendications sociales qui conduiront à la Révolution française exprimées dans le monologue de Figaro de l’acte V, qui est une scène d’anthologie et un morceau de bravoure pour des comédiens en même temps qu’une première dans le théâtre français où jamais un valet n’avait eu jusqu’ici le privilège d’un monologue réservé aux personnages de haut rang : « Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. » (la première scène présente un valet et une camériste à la différence du Barbier de Séville qui s’ouvrait sur un monologue du Comte Almaviva suivant l’ordre de préséance hiérarchique hérité de la Comedia dell’arte comme de la tragédie ; elle est suivie d’un monologue de Figaro).


Le valet des comédies du XVIIIème siècle ne répond plus au stéréotype du valet fourbe et fripon de la Commedia dell’arte. Le portrait dévalorisant que dresse Almaviva de Figaro ne lui correpond pas, de sorte que le blâme se retourne contre lui : si quelqu’un dans cette comédie est « louche » , de « réputation détestable », c’est davantage le Comte que Figaro. Ce dernier ne répond plus au stéréotype du valet de comédie (« de l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère », lui disait Suzanne, I, 1) : il ne « marche(r) » plus « à la fortune » , et ne cherche plus à s’ « avancer » , et n’a rien de « médiocre et rampant » .


Il a appris à répondre, à se défendre, à revendiquer son droit à l’honneur et au bonheur. Or, Almaviva et la noblesse qu’il représente semblent ne pas s’en rendre compte (« une réputation détestable »). C’est pourquoi, à partir de la réplique : « Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? », le public assiste-t-il à un renversement des rôles : Figaro attaque indirectement le Comte (son rival auprès de Suzanne, sa fiancée) à travers cette généralisation qui met toute la noblesse en question : la caricature des intrigants qui suit débouche sur une critique des courtisans dans la tirade finale. Habilement Figaro opère un glissement dans une critique qui vise au premier chef, le Comte et ses « licences », bien entendu, mais avec lui tous les hommes d’intrigue : il passe donc des arrivistes aux intrigants de cour qui peuvent vivre sans travailler, c’est-à-dire, les courtisans, les aristocrates. Cette critique de l’inutilité de la classe privilégiée («paraître profond quand on est, comme on dit, que vide et creux ») prend toute sa dimension contestataire au siècle où les philosophes des Lumières revendiquent une morale sociale où chacun participe à l’intérêt collectif. Louis XVI qui a interdit Le Mariage de Figaro et embastillé Beaumarchais ne s’y est pas trompé, de même que le Comte qui, trouvant sans doute que Figaro va trop loin dans l’amalgame qu’il fait entre les arrivistes et les politiques (« voilà toute la politique, ou je meure ! ») le rappelle à l’ordre : « Eh ! c’est l’intrigue que tu définis ! » , mais Figaro persiste et signe : « La politique, l’intrigue, volontiers ; mais comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! » .


Problématique : L’action dans cette scène progresse-t-elle? Et Figaro restera-t-il maître du jeu comme dans la comédie précédente ?

Ce dialogue fait-il réellement progresser l’action ? Chacun croit avoir eu raison de l’autre :

Figaro croit avoir gagné : « Je l’enfile et je le paye en sa monnaie »)…

Mais n’est-ce pas plutôt Almaviva qui sort vainqueur ? Figaro s’est trahi en renonçant « à la fortune » : il a appris au Comte que Suzanne a parlé : « Il veut rester. J’entends… Suzanne m’a trahi. »


II. Comédie ou satire ?


Le spectateur se trouve-t-il face à la relation traditionnelle des comédies de Molière inspirées de la Commedia dell’arte entre un maître tyrannique déraisonnable et un valet avisé et impertinent, rusé et fourbe ou dévoué et de bon conseil, mais à la langue bien pendue comme la Dorine de Tartuffe ?


1. Le comique de mots, de situation et de caractère : l'esprit des Lumières


Le comique de mots (au début du passage surtout) : stichomythie du jeu verbal à fleurets mouchetés avec des effets d’antithèse proches du chiasme au début de l’extrait ( « autrefois »/« maintenant » ; « tout » /« rien » ; ironie du Comte : « belle association » ; « Comme l’anglais le fond de la langue ! » ; litote de Figaro : « je ne vous cache rien » ; reprise anaphorique de « combien »). Figaro ne se laisse pas faire et répond du tac au tac.


Le comique de situation : les apartés indiqués par les didascalies ponctuent la scène, plus particulièrement l'extrait étudié, à la fin de son premier tiers et à la fin.

Cet effet comique propre au théâtre est rendu possible par la double énonciation qui permet de diviser la scène en deux pour voir et entendre les deux personnages prendre à parti le spectateur. Il provoque ainsi un double effet comique de mise en abîme, de comédie dans la comédie qui rend le spectateur seul maître du jeu, capable d’apprécier le double jeu des personnages : d’attaque de l’un qui cherche à savoir, et d’esquive de l’autre qui ne veut pas se trahir.

Exemple pour la dissertation n° 8 : le théâtre : texte et représentation <= le comique de situation des apartés (étude des didascalies)


Le comique de caractère : idée fixe d’Almaviva méprisant, injuste et malhonnête ; son ironie offensive et insultante n’est pas sympathique; sens de la répartie de Figaro, ironique, lucide et insolent ; contraste entre la jalousie et le libertinage du Comte dénoncés par Marceline (« jaloux et libertin », I, 3) : Almaviva est présenté comme une machine à séduire toutes les femmes. L’esprit frondeur de Figaro vise indirectement le Comte à travers sa critique des intrigants : charge satirique contre leur malhonnêteté et leur oisiveté.

Lucidité et impertinence du valet de plus en plus contestataire.


Cette scène reste une scène de comédie, mais le comique y est plus voilé que dans la scène 5 de l’acte I par exemple : les enjeux de cette scène sont-ils comiques ?


  1. L’ironie dramatique réduit le Comte mais aussi Figaro :

    L'ironie dramatique réduit-elle les deux rivaux de la même façon ?


Le Comte ne sait pas que Figaro a été mis au courant depuis le début de la pièce par Suzanne : ce que le spectateur a appris depuis la scène d’exposition en même temps que Figaro, l’intéressé qui va chercher à « attraper ce grand trompeur »

Mais ce que tous deux ne savent pas, c’est que Suzanne et la Comtesse s’entendent pour les tromper tous les deux : la Comtesse a fait promettre à Suzanne de ne rien dire à « cet étourdi de Figaro » à la fin de l’acte II…

Figaro et le Comte sont donc réduits par l’ironie dramatique, mais le Comte plus que Figaro (doublement) : la « vis comica » place donc le gentilhomme au même rang qu’un bourgeois ridicule de comédie (un Pantalon, un vieillard avare et amoureux comme Bartholo ou Harpagon), en situation d’infériorité par rapport à un valet « machiniste » qui mène le jeu. Mais Figaro mène-t-il le jeu dans cette Folle journée ?


  1. Une inversion des relations maître et valet subversive :

    L'ironie dramatique réduit surtout « le grand seigneur méchant homme » : c'est sur lui que porte le blâme.

    « Castigat ridendo mores »*

    « La naissance n'est rien où la vertu n'est pas », Don Louis, le père de Dom Juan dans la pièce de Molière

    Qui est le véritable « gentilhomme » ?


Le gentilhomme est réduit par l’ironie dramatique dans cette comédie satirique du XVIIIème siècle. Il ne sait pas et cherche à découvrir ce que le spectateur sait depuis la scène d’exposition : Figaro est-il au courant de ses intentions sur Suzanne ?

Des deux personnages, quel est le véritable « fripon » ?

Certes, Figaro cache son jeu à son maître depuis que, « bon garçon », il a appris par Suzanne les intentions d'Almaviva à l’égard de cette dernière : mais peut-on l’en blâmer ? Il défend les valeurs du couple et du mariage en même temps que celles de sa condition : le droit à la propriété et à la dignité.

Si Almaviva est aussi tartuffe et libertin que Dom Juan, le « grand seigneur méchant homme » de Molière, qu’est-ce qui différencie les deux personnages ?


Disctinction à faire entre Almaviva et Dom Juan (un autre « Seigneur méchant homme ») :

La « vis comica » épargne Dom Juan qui, s’il est inquiétant comme Almaviva dans certaine scènes, n’est jamais ridicule : au contraire, il atteint une grandeur tragique consacrée par sa fin. Dom Juan n’est pas un personnage de comédie alors qu’Almaviva, « jaloux et libertin », se rapproche par le comique de caractère d’un personnage à idée fixe comme Bartholo (« Pantalon » dans la Commedia dell’arte), dénoncé par ce que Bergson appelle du « mécanique plaqué sur du vivant ». Almaviva, réduit à n’être qu’une machine à conquérir sans états d’âme n’a ni la complexité tragique de Dom Juan, ni le pathétique d’un Figaro (V, 3).



1er axe = 1ère Pbtique => [Une scène de dialogue originale ]

L’affrontement verbal entre le maître et le valet au XVIIIème siècle : progression du dialogue.


2ème axe = 2ème Pbtique => [Mise en scène de la parole contrainte propre à susciter l’indignation du spectateur devant les abus des gentilhommes : dénonciation amorcée par Molière avec Dom Juan (le « grand seigneur méchant homme »)]

La revendication sociale : l’évolution de la relation maître-valet dans la comédie du XVIIIème siècle : « le reste est écrasé » => théâtre politique : enjeux différents de la comédie du XVIIème siècle (plus psychologique : du comique de caractère au comique de situation)

FONCTION SOCIALE DU THEATRE : enjeux de « Lumières » => morale sociale (cf. fonction pédagogique du théâtre du XVIIIème siècle qui devait être plus social, moins psychologique, selon Diderot)


Une mise en abyme du spectacle dramatique : les apartés => chacun des deux personnages joue la comédie à l’autre : l’ironie dramatique qui réduit les deux personnages aux yeux du spectateur (l’espace

scénique est creusé par ce jeu de focalisation) est rendue possible par la double énonciation. Elle ridiculise les deux hommes et prépare la victoire des femmes à l’acte V, puisque le spectateur sait depuis la scène XXVI de l’acte II que la Comtesse a décidé de prendre les choses en main, devenant « machiniste » à son tour. C’est elle qui ira au rendez-vous… Seule Suzanne est dans la confidence : « Souviens-toi que je t’ai défendu d’en dire un mot à Figaro », prend-elle la précaution de dire à Suzanne.

Un dialogue de sourds ? Les enjeux : comiques ?

Jeu d’esquive de Figaro : sens de la répartie => pendant le 1ère partie du dialogue il tente d’éviter de se trahir. Il retourne les répliques accusatrices du Comte : stichomythie.

Un affrontement à fleurets mouchetés : l’affrontement direct est impossible

(cf. le schéma actantiel et le statut du valet dans la comédie du XVIIIème siècle)


On doit à Beaumarchais l’invention d’un personnage devenu par la force même de son existence dramatique (la forme même de la trilogie implique un retour du personnages en même temps que son évolution, et donc un rapport problématique à l’idée d’identité, affrontée à l’écoulement temporel) un mythe littéraire, accédant au même titre que les grands héros tragiques à une individualité généralement bannie d’un genre comique jouant plus volontiers sur les archétypes. Un tel personnage est une date, parce qu’il représente non seulement un individu mais une époque toute entière, un classe, le Tiers-Etat : « Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé ».

Il incarne la plus brillante incarnation du valet qui aspire à devenir maître à son tour et résume bien la complexité et la richesse du personnage de Figaro, et au-delà, de la notion même de personnage pour Beaumarchais. Il ressortit bien, comme tout personnage comique, à un « type » mais il le dépasse et la complexifie, le porte à un degré d’individualisation qui lui confère une existence autonome. Parallèlement, loin de demeurer confiné dans un imaginaire purement littéraire et intertextuel, il s’enrichit des échos qui s’établissent entre l’œuvre et les conditions (historiques, idéologiques) de sa production et de sa réception. Représentatif des bouleversements de son temps, porte-parole des « Lumières », il incarne l’esprit de contestation, l’esprit frondeur français et annonce les combats pour les droits de l’homme : « Liberté, égalité, fraternité ».








En vue de la préparation du bac blanc : oral et écrit

Dissertation pour vendredi 21 janvier :

Vous vous demanderez ce qui, depuis l'Antiquité, pousse les hommes à écrire des pièces de théâtre et à assister à des représentations.

Vous vous interrogerez sur les caractéristiques et les fonctions du genre théâtral et sur les relations du texte et de sa représentation, en vous appuyant sur le corpus des textes de théâtre que vous avez lus et étudiés (notamment dans le cadre des cours de 2de et de 1ère), sur les pièces que vous connaissez, pour les avoir lues ou vues au théâtre.


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Rappel de sujets de 2de : le théâtre, genre et registres (comédie et tragédie)

A Athènes, dans l'Antiquité, les citoyens assistaient en masse aux représentations théâtrales. Le théâtre était considéré non seulement comme un divertissement, mais aussi comme un moyen d'éducation morale et civique.



"Le théâtre est un champ de forces, très petit, mais où je joue toujours toute l'histoire de la société, et qui, malgré son exiguïté, sert de modèle à la vie des gens."

A l'aide d'exemples précis, vous analyserez, commenterez et discuterez éventuellement ce jugement du metteur en scène Antoine Vitez.




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Bibliographie complémentaire :

Lire et relire les comédies de Molière et les tragédies de Racine, les tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide (revoir le cours de 2de)

L'Ile des esclaves et Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux
Le Barbier de Séville, Beaumarchais

On ne badine pas avec l'amour et Lorenzaccio de Musset

Le Mariage de Figaro, Beaumarchais : texte et représentation

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Jean-Marc Nattier (1755)


Lecture intégrale : La Folle journée ou Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1784


Introduction au théâtre du XVIIIème siècle

l’évolution du théâtre : du théâtre de caractère au théâtre de situation ;

un théâtre de plus en plus engagé de Marivaux à Beaumarchais : un théâtre subversif où le valet tend à se hisser au niveau du maître, voire à prendre sa place (L’Ile des esclaves, Marivaux);

le mélange des registres comique et sérieux ;

les fonctions du dialogue de théâtre : les caractéristiques du dialogue de théâtre, « un champ de forces » (les situations de communication : vrai ou faux dialogue ? l’équilibre de la parole ou disproportion des répliques : échange, discussion ou dispute, jeu d’esquive, concertation, confrontation ou confidence. ; cf. fonctions argumentative, informative, explicative, déclamative, impressive, expressive…)


Synopsis du Mariage de Figaro

choix de scènes, distribution des rôles, constitution des équipes ;

répétition et début de mise en scène.


Mise en scène du Mariage de Figaro

I, 1 , 2, 3, 5, 7 et 9 ; II, 1 et 12 ; III, 5 ; IV, 7 ; V, 3.


Le Mariage de Figaro (1784*) de Beaumarchais : 92 scènes : le nombre le plus élevé du théâtre français.

*1784 (9 ans après Le Barbier de Séville en 1775 : 44 scènes)

Cette comédie satirique qui appartient à une trilogie fait suite au Barbier de Séville : le spectateur retrouve dans cette comédie satirique Figaro et le Comte Almaviva qui a épousé Rosine (« la Comtesse »), Bartholo, Bazile et Marceline.

Elle met en scène une « Folle journée » : unité de temps, d’action et de lieu (cf. titre)

[1786 – Mozart – Les Noces de Figaro : d’après un livret de Lorenzo Da Ponte inspiré de la comédie de Beaumarchais où l’intention satirique et sociale est quelque peu trahie par le librettiste… Mais l’opéra gagne en légèreté, en charme et en fraîcheur – cf. Stendhal : « La politique dans une œuvre littéraire, c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert, quelque chose de grossier et auquel, pourtant il n’est pas possible de refuser son attention. » ]


Problématiques : texte et représentation (double énonciation, « mimesis », « catharsis »)


Quel est l’intérêt dramatique de chacune de ces scènes ?

La parole dans le théâtre de Beaumarchais est-elle libre ? Qui est maître de la parole et de « l’imbroille » ?

Le théâtre, « un champ de forces » selon l’expression d’Antoine Vitez

Le dialogue théâtral : information (I, 1), concertation (II, 2), confrontation * (I, 5 ; II, 19 et III 5) ?

* affrontement, joute oratoire, duel verbal, lieu d’un rapport de force

L’espace scénique, un espace de parole symbolique ? (Y a t-il un maître du jeu ? un bouc-émissaire ?)


Une comédie du XVIIIème siècle : le comique et le satirique ; le respect de la règle des 3 unités classiques : le temps (« la folle journée ») – le lieu (le château) – l’action : le mariage ; mais une conception du théâtre différente (mélange des registres par exemple) qui ouvre la voie au drame romantique du XVIIIème siècle ;


L’esprit des « Lumières » et l’évolution (ou la dégradation ?) de la relation « maître et valet » : Figaro donne une épaisseur psychologique au type du valet de comédie hérité de la « Commedia dell arte ».

Est-il le porte-parole du dramaturge et le vecteur de valeurs exemplaires à la différence de son maître, le Comte Almaviva ? Du Dom Juan de Molière au comte Almaviva de Beaumarchais, la figure du « grand seigneur méchant homme » s’est dégradée : rétrograde et tyrannique, elle s’oppose à l’esprit des « Lumières »


Problématique de la pièce : le Comte Almaviva veut rétablir à son profit l’usage féodal du «droit du seigneur »

Ainsi il porte ainsi atteinte à l’honneur des femmes (la sienne et toutes les femmes) et à celui de son fidèle Figaro, le « barbier de Séville » (qui l’a aidé à épouser Rosine dans la comédie précédente), puisqu’il a jeté son dévolu sur Suzanne, la fiancée de ce dernier qui est également la camériste de la Comtesse dont il prétend obtenir les faveurs la veille de ses noces...

Beaumarchais, à travers le blâme d’Almaviva et de Bartholo qui dans Le Barbier de Séville prétendait épouser Rosine, sa pupille tout en refusant d’épouser Marceline dont il a eu un enfant, prend la défense des femmes.

Molière, un siècle auparavant, dénonçait la tyrannie exercée par les pères sur les enfants et les abus de pouvoir des hommes sur les femmes, avec notamment les mariages forcés ; toutefois, son « grand Seigneur méchant homme » Dom Juan, n’était jamais touché par la « vis comica » (le ridicule n’atteignant que ses victimes). Beaumarchais pousse plus loin l’engagement dans la cause des femmes : Bartholo et Almaviva, réduits par la caricature deviennent des personnages grotesques dont le spectateur peut s’amuser autant que de valets de comédies au cours de cette « folle journée », ce qui n’est pas sans signification à la veille de la Révolution française…





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La scénographie :

L'argument de l'intrigue :

Le schéma actantiel :

Le théâtre de situation :

Histoire du théâtre :
L'évolution de la relation maître-valet dans le théâtre et le roman du XVIIIème siècle.
L'épaisseur psychologique des personnages de domestiques : une révolution dans le théâtre.

à suivre...


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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, I, 1 : une scène d’exposition -

LE THEATRE : texte et représentation

Quel est l'intérêt dramatique de cette scène ?


Perspective dominante : étude des genres et des registres

Perspectives complémentaires : histoire littéraire et culturelle ; intertextualité et singularité des textes.

Activités complémentaires : lecture du théâtre comme « un champ de forces » (Antoine Vitez) à partir des situations de communication et de représentations des scènes étudiées.

Une enquête sur la place du sujet dans l’histoire de la communication et des représentations en perspective croisée avec l’objet d’étude : convaincre, persuader délibérer (l'argumentation : le dialogue).


Rappel : question générique et typologique pour préparer le commentaire et l’exposé oral des EAF :


Quelle est la fonction dramatique* du dialogue de théâtre ?


* « drama » : l’action (une scène d’exposition, des péripéties avec un nœud qui se resserre jusqu’à la crise III, 5 et l’acmé, V, 3», au dénouement).


L’intrigue progresse-t-elle dans cette scène ? Si oui, comment cette scène contribue-t-elle à la faire progresser ? Qu’est-ce qui lui donne son dynamisme ? (point de vue du spectateur sur le plan de la « mimesis » : que voit-il ? Qu’apprend-il ?)

Cette scène donne-t-elle à réfléchir ? Quelles sont les problématiques induites par la double énonciation théâtrale ? Le comique contribue-t-il à l'instruire, à l'édifier ? (point de vue du spectateur sur le plan de la « catharsis » : que voit-il ? Qu’apprend-il ? Que comprend-il ?)

"Castigat ridendo mores"

Pour préparer l’entretien : mettre en scène un extrait du Mariage de Figaro et monter un dossier sur Beaumarchais et la comédie du XVIIIème siècle dans l’esprit des « Lumières ».

Etre capable d'étudier la « scène » (la « texte ») et sa « représentation » en vue de l'exposé et de l'entretien, du commentaire et de la dissertation afin de nourrir un débat en vue d'une délibération sur l'intérêt du « texte » et de sa « représentation » : intéresser l’examinateur au choix de la scène, aux difficultés de la mise en scène et de l’interprétation...


Une scène d’exposition : acte I, scène 1

Extrait de la scène présenté à l’oral : de « Tu prends de l’humeur contre la chambre du château la plus commode» à « et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter aujourd’hui. »

Question générique : Quelle est la fonction dramatique de cette scène ?

Question typologique : Qu’est-ce qui fait l’originalité de ce dialogue ?


Présentation de la comédie et situation du passage dans la scène et dans la pièce : dans la comédie et dans cette scène qui a été coupée (du début jusqu’à : « et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter aujourd’hui. »).

I – 1 –Cette scène inaugurale, comme toute scène d’exposition, présente la situation de l’intrigue : Suzanne, camériste de la Comtesse doit épouser le jour même Figaro, le valet du comte Almaviva. Ce début d’une « folle journée » informe sur le genre, le style, les registres de la pièce. Il est destiné à séduire le spectateur (« captatio bene volontiae »). La scène 1 ne présente que l’intrigue principale : le mariage de Suzanne et de Figaro et les intentions peu louables du Comte.


Résumé du passage :

Dans ce passage, Figaro essaie de convaincre Suzanne des avantages qu’offre la situation privilégiée de leur chambre. La camériste révèle alors les raisons de ses réticences : le maître veut restaurer et exercer sur elle le « droit du seigneur ».


Mouvement de la scène : dynamique joute oratoire et révélation progressive (retardée par Suzanne qui souhaite sans doute éviter un éclat). La camériste de la Comtesse convoitée par Almaviva cherche sans doute à ménager Figaro qui, devenu concierge du château du Comte, subit une double humiliation : Almaviva, non seulement veut abuser de sa fiancée avant les noces, mais il témoigne par là qu’il ne lui est pas reconnaissant des services rendus par le barbier de Bartholo dans l’intrigue de la comédie précédente.

1. Le doute semé par Suzanne dans l’esprit de Figaro : « Tu prends de l’humeur » à « en trois sauts » .

2. La révélation : « en me donnant leçon ».

3. La colère de Figaro, la distanciation ironique de Suzanne : « en secret aujourd’hui ».


Problématique / objet d’étude : le théâtre, « un champ de forces », Antoine Vitez

Le dialogue théâtral : un affrontement ? un échange ou une joute oratoire / l'espace scénique et l'espace de parole symboliques (théâtre : texte et représentation + registres) : les caractéristiques de cette scène d’exposition (intertextualité et singularité des textes) => les effets d’annonce (la «captatio benevolontiae », le schéma actantiel et le comique : joute spirituelle entre Suzanne et Figaro ; ironie dramatique et mélange des registres : Figaro est-il ridicule ? // cf. Rosine, IV 3 dans Le Barbier de Séville).

Un théâtre de situation et de caractère : l'évolution du personnage de Figaro, l'apparition du personnage de Suzanne, sa fiancée.

Problématique / la caractéristique principale de cette scène (intertextualité et singularité des textes)

Question implicite pour le commentaire :

Quel est l’intérêt dramatique de cette scène

[ et comment les caractéristiques de cette scène d’exposition sont-elles soulignées par la représentation ?]

=> annonce du plan


I. Une scène d’exposition :

La tension dramatique de ce dialogue : le badinage amoureux tourne à l'exposition de "champs de forces" qui débouchent sur une révélation décisive pour la suite des événements de cette "folle journée".

Rappel de la situation initiale (avant le passage étudié) : le point de départ de la mise en scène de cette « folle journée » (texte et représentation) commence par une dispute dans le passage étudié.

Figaro arpente l’espace scénique pour le mesurer pendant que Suzanne, sa fiancée essaie un chapeau : préparatif des noces et de la chambre nuptiale. Découverte du décor (didascalies : objets symboliques => disdascalie externe : « le petit bouquet de fleurs d’orange » - interne : le « beau lit que Monseigneur nous donne »

  1. Originalité de l’effet d’annonce : « in medias res »

L’ouverture se fait sur un duo : le tête à tête « homme/femme » qui aboutit à l’affrontement « homme/femme » occupe une place importante dans le théâtre de Beaumarchais ;

Mise en scène enjouée des préparatifs du mariage et de la chambre nuptiale qui tourne à la joute oratoire à la suite de la surprise contrariée de Suzanne lorsqu’elle apprend que la chambre conjugale se place entre celle de « Monseigneur » et de « madame ». Chassé-croisé de répliques brèves : un dialogue mené tambour battant, opposition entre les deux points de vue (parallélisme et opposition, entrecroisement de répliques proche de la stichomythie - cf. Mozart : « Ding, ding »/ « Dong, dong ») ;


  1. Fonctionnement actantiel (allusions au Barbier de Séville : analepse)

Seule Suzanne est un personnage nouveau : dissimulation, ruse, finesse, ironie (cf. II. 2 –les armes de la gaieté) et prudence (« Il faudrait m’écouter tranquillement »), préciosité (citation du paradoxe de Choderlos de Laclos : « Quel les gens d’esprit sont bêtes ! »).

Réapparition de Figaro, du Comte Almaviva « Monseigneur »), de Rosine (« Madame») et de Bazile : il n’a pas changé, sauf de maître. Ancien mauvais génie de Bartholo, devient celui du Comte tout en restant le maître de musique de la Comtesse (« le loyal Bazile, honnête agent de ses plaisirs et mon noble maître à chanter. »)

Tous les personnages principaux sont connus à la fin de la scène.

Dégradation de la situation depuis Le Barbier de Séville : le Comte abuse de son pouvoir, la Comtesse est délaissée, et le maître et les valets sont devenus rivaux (mais Suzanne et Figaro seront alliés de la Comtesse) ;

Le « droit du Seigneur » : Almaviva l’a aboli avec son mariage. Dans le B, le comte était le jeune premier amoureux de Rosine, il la poursuivait dans Séville. Dans le M, c’est un « séducteur à toutes mains », maître de son domaine (sphère privée). Il rétablit le droit de cuissage. Infidèle (« las de courtiser les beautés des environs »), il est présenté comme un être de désir (cf. Dom Juan le « grand seigneur méchant homme » libertin et tyrannique) : alors que «madame » sonne si elle est « incommodée », « Monseigneur » sonne s’il veut quelque chose (ambiguïté de l’expression « quelque chose » = « droit du seigneur », « droit honteux ») ;

Naïveté de Figaro réduit par l’ironie dramatique (« Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu’on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ? / J’avais assez fait pour l’espérer. Il argumente (« la chambre du château la plus commode ») sans connaître les raisons de la générosité du Comte et de « l’humeur » de sa fiancée. Suzanne se moque de lui : elle cite une maxime de Choderlos de Laclos (« Que les hommes d’esprit sont bêtes ») pour dédramatiser par une généralisation. La capacité de distanciation de Suzanne et sa vivacité prouvent sa supériorité. igaro est inférieur au Comte : d’abord la colère s’abat sur Bazile car le Comte est inattaquable. Ensuite, il est effondré physiquement et moralement (jeu scénique) par les révélations de Suzanne (Se frottant la tête. « Ma tête s’amollit », cf. passage qui suit).

TRIPLE HUMILIATION DE FIGARO : doublement humilié par le Comte qui le trahit alors qu’il devrait lui témoigner de la reconnaissance + humilié par le fait que Suzanne, sa fiancée est ai courant sans qu’il le sache alors qu’habituellement c’est lui qui mène le jeu (+ Bazile dont il minimisait le pouvoir stratégique dans Le Barbier de Séville participe à l’intrigue menée contre lui

Déplacement pathétique de sa colère impuissante du Comte sur Bazile (« si jamais volée de bois vert »…). Il ne peut pas affronter le Comte ouvertement. Il imaginera une machination (« une imbroille ») à la scène 2 de l’acte II.

Renversement des rôles : c’est Suzanne qui mène le jeu en faisant preuve de rouerie féminine (« Oh ! quand elles sont sûres de nous ! ») et d’esprit.

De complice et protecteur, le Comte est devenu opposant.


  1. Les effets d’annonce symboliques : le théâtre « champ de forces » , Antoine Vitez (texte et représentation) => la chambre est un lieu « intime » que les protagonistes cherchent à s’approprier (cf. problématique de la prise conscience individuelle dans l’ordre collectif ; révolte des valets qui annonce la Révolution française)

L’espace scénique représente un espace dramatique : les mesures de la chambre sont les mesures de l’espace scénique : le lieu est l’instrument d’une expérimentation, d’une réflexion sur l’espace (19 pieds sur 26 = 6 m sur 8,50 = scène de la comédie française). Figaro est un « machiniste » (cf. préface du Barbier de Séville) qui prend possession de son espace de jeu.

La chambre se situe entre les chambres du comte et de la comtesse : c’est un espace domestique. Les valets sont au service des maîtres => l’exiguïté de la scène est représentative de la condition sociale des valets au XVIIIème siècle, voués à la servitude 24 heure sur 24 ;

Fonction symbolique de l’espace scénique : un espace menacé (lieu d’affrontement)

-- par sa situation géographique : entre les deux maîtres

-- par le Comte : c’est un espace de conquête (dans l’ordre social la femme est au service du seigneur)

Dans l’ordre social, le valet est au service du maître, et la femme au service du seigneur : double servitude de Suzanne (// double humiliation de Figaro). Figaro et Suzanne sont des vassaux : ils doivent obtenir la permission du maître pour se marier.

Interprétation des symboles représentés par les didascalies externes (« le petit bouquet de fleurs d’orange ») et internes : « « Oh ! que ce joli bouquet virginal », le « beau lit que Monseigneur nous donne » objet du litige.


Problématique/ oeuvre (thèse de Beaumarchais): la pièce s’ouvre sur une réflexion sur le statut des femmes, la destinée humaine, l’ordre social et ses privilèges (« droit du seigneur », « droit honteux »), l’impuissance de la femme à se défendre, si bien que l’intrigue va consister à attraper «ce grand trompeur ». Suzanne va chercher à protéger son mariage en protégeant son espace : combat pour les libertés de Beaumarchais qui s’oppose aux idées rétrogrades –cf. Bartholo : opposé à l’esprit des « Lumières » et tyrannique dans Le Barbier de Séville => le mariage forcé)

Révélation de l’enjeu principal de la pièce : « e droit du seigneur » (dénouement I – 10 ?). Par la parole, la gaieté, les embrouilles, l’esprit, la révolte, Figaro est le portrait de Beaumarchais qui combat les idées rétrogrades incarnées dans Le Barbier de Séville par Bartholo, dans La Folle journée ou le mariage de Figaro par le Comte.


II Les armes de la gaieté ou la comédie restaurée

1. La dynamique de la révélation Un dialogue menée tambour battant :

progression propre au style de Suzanne qui mène le jeu. La scène se passe dans une franche gaieté : concision, rapidité, surprise. L’entêtement de Suzanne à ne rien dévoiler d’abord entraîne la vivacité du dialogue.

Symétrie et opposition entre les deux premières répliques du passages : reprise ironique de Suzanne avec l’affirmation « fort bien » et l’opposition « Mais ». Familiarité de l’ interjection (« zeste »), de l’onomatopée (« crac ») et accélération du rythme (parataxe et style allusif pour semer le doute : pourquoi elle, ne cite-t-elle que le Comte ?). Interruption (points de suspension) : est-ce elle qui s’est interrompue ? ou Figaro qui l’a coupée ?

Effets de contraste amusant (jeu scénique) entre la légèreté de ton de Suzanne (sa vivacité moqueuse, son ironie) et l’inquiétude montante de Figaro (avant qu’il laisse éclater sa colère contre Bazile) : 2 questions, interjection (« Eh !), juron (« bon Dieu ! ») qui expriment son trouble.

Préciosité de la révélation de Suzanne (antiphrase, litote, personnification, II, 2 + structure proche du chiasme pour mettre en valeur le deuxième terme de l’opposition qui précise l’objet de la révélation : « monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c’est sur la tienne […] qu’il a jeté ses vues »)

Alternance de familiarité et d’emphase (champ lexical des coups et apostrophe « ô mon mignon » = emphase comique du « ô » poétique + hypochoristique)

La reprise du pronom indéfini « on » = stichomythie


2 Les armes de la gaieté : cette scène comporte tous les types de comique, tous les registres : de la farce au trait d’esprit (la « vis comica ») comique de situation : ironie dramatique (cf. I- 2 le fonctionnement actantiel)

Comique de farce : menace de « volée de bois vert », thème du cocu (avant les noces de surcroît) = thème récurrent du théâtre populaire (« bouton », « cornes du cocu »)+ thème du valet de comédie (Scapin): homme du peuple grivois, à l’esprit vif, rusé, intéressé par l’intrigue et par l’argent (« De l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère ») , cf. Commedia dell’arte;

Comique de mots :

-- mots d’esprit de Suzanne : finesse, ironie (litote : « ce logement de nuira pas » ; antiphrase : « « le loyal Bazile », « honnête agent de ses plaisirs », « mon noble maître à chanter » ; personnification : « les beaux yeux de ton mérite »)

-- de la farce au trait d’esprit (farce, situation, caractère : l’ironie dramatique ? mélange des registres), la parole est reine (fonction ludique du langage)

-- la parole surpasse l’action : « si jamais de bois vert, appliquée sur une échine »)


3. Le mélange des registres : le comique de caractère (Figaro)

Originalité et évolution du personnage de Figaro = création de Beaumarchais -- des personnages de -- -- valet de comédie (cf. Commedia dell’arte) + porte-parole des idées des « Lumières » (cf. V, 3 : tirade de Figaro)


Dans cette scène d’exposition, la révélation est la finesse du personnage de Suzanne que le spectateur découvre et sa révélation qui lance l’intrigue en exposant le nœud dramatique : la restauration d’un « droit honteux » que le Comte Almaviva avait aboli (sujet sérieux traité avec légèreté par Beaumarchais qui est léger par profondeur). Elle offre un contraste surprenant pour le lecteur-spectateur du Barbier de Séville habitué à la virtuosité verbale et à la gaieté de Figaro entre le discours précieux, rhétorique de Suzanne, les traits d’esprit et l’entrain de la fiancée de Figaro qui mène alertement le jeu et la naïveté de ce dernier qui joue le rôle de dupe : de la confiance niaise il passe à une colère déplacée qui témoigne de son sentiment d’impuissance et d’humiliation, et par là, de la gravité du propos. Cette gravité est soulignée par Suzanne (« Tu sais s’il était triste ») qui a le mot de la fin de ce passage. Elle rappelle la particularité du comique de Beaumarchais révélée dans la réplique de Figaro dans Le Barbier de Séville: « Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? / L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. ». Le mélange des registres crée une tension particulière à cette comédie du XVIIIème siècle avec le personnage de Figaro qui reste malgré tout le personnage mythique des pièces de Beaumarchais et le porte-parole des idées du dramaturge. Il incarne toujours l’esprit frondeur français, la vivacité d’esprit , le don de répartie, la gaieté et le mouvement du valet de comédie inspiré de la commedia dell’arte élevé au rang de héros à part entière. S’il semble dépassé par Suzanne dans cette scène d’exposition où le spectateur le découvre en posture de dupe alors qu’il était le meneur de jeu du Barbier de Séville, cette prise de conscience initiale donnera de l’épaisseur psychologique au personnage et le poussera à réagir. Porteur d’un message philosophique et porte-parole de Beaumarchais on va le voir s’interroger sur la nature humaine (notamment au cours de la tirade de l’acte V). Même si ici le spectateur découvre que l’amour et l’embourgeoisement (l’installation dans les meubles et la chambre donnée par le Comte, son projet de mariage) l’ont rendu aveugle, imprudent et un peu benêt dans cette scène, il retrouvera son esprit et son sens de l’intrigue (« De l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère », reconnaît Suzanne dans le passage qui suit), à la scène deux de l’acte deux pour imaginer une « machination » qui lui permettra « d’attraper ce grand trompeur », avec l’aide de Suzanne et de la Comtesse…


Le comique particulier de Beaumarchais : tension dialectique entre la gaieté et la tristesse, mélange des registres => « Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? / L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » Le Barbier de Séville, I, 2


Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, I, 5

Le dialogue, un « champ de forces » : une scène de comique de mots (duel verbal entre Suzanne et Marceline : stichomythie) - LE THEATRE : texte et représentation (que voit-on ? Qu'entend-on ? Qu'apprend-on ?)


Perspective dominante : étude des genres et des registres

Perspectives complémentaires : histoire littéraire et culturelle ; intertextualité et singularité des textes

Que voit-on ? Qu'entend-On ? Qu'apprend-on ? En qui est-ce une comédie ... du XVIIIème siècle ?

Rappel : question générique et typologique pour préparer le commentaire et l’exposé oral des EAF :


Quelle est la fonction dramatique du dialogue de théâtre ?


* « drama » : l’action (une scène d’exposition, des péripéties avec un nœud qui se resserre jusqu’à la crise III, 5 et l’acmé, V, 3», au dénouement).


L’intrigue progresse-t-elle dans cette scène ? Si oui, comment cette scène contribue-t-elle à la faire progresser ? Qu’est-ce qui lui donne son dynamisme ? (point de vue du spectateur sur le plan de la « mimesis » : que voit-il ? Qu’apprend-il ?)

Cette scène donne-t-elle à réfléchir ? Quelles sont les problématiques induites par la double énonciation théâtrale ? Le comique contribue-t-il à (point de vue du spectateur sur le plan de la « catharsis » : que voit-il ? Qu’apprend-il ? Que comprend-il ?)


Question implicite pour le commentaire :

Quel est l’intérêt dramatique de cette scène [ et comment les caractéristiques de cette scène comique sont-elles soulignées par la représentation ?] => annonce du plan


Problématique / la caractéristique principale de cette scène (intertextualité et singularité des textes)


I. L'ACTION : situation du passage dans la scène et dans la pièce=> progression.


Résumé du passage : 2 opposants au mariage de F et S sont apparus dans la scène précédente.

Marceline (l'ancienne duègne de Rosine, la Comtesse) entend rivaliser avec Suzanne et lui disputer son fiancé. Bartholo et elle se sont entendus dans la scène précédente. Ce dernier est enchanté de se venger de Figaro qui a aidé le Conte Almaviva à lui ravir Rosine (sa pupille) : « c'est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse » (I, 4).


Progression : cette scène met en place une complication de l'intrigue principale (2ème intrigue) : le projet de mariage de Marceline avec le fiancé de Suzanne vient compliquer l'intrigue principale axée sur le mariage de Figaro et Suzanne qui devrait clôre cette « folle journée » (projet déjà contrarié par les projets du Comte qui entend exercer le « droit du Seigneur » sur la camériste de sa femme et la fiancée de son fidèle serviteur).


    II. LE COMIQUE : une scène d'affrontement comique.

    Une scène comique : une joute oratoire entre 2 rivales avec la stichomythie * (comique de mots) pour principal effet et la mise en abîme.

* dans une tragédie en vers les interlocuteurs se répondent vers pour vers, dans une comédie en prose, mot à mot ou du tac au tac (exemple : «-- L'épouser , l'épouser » / «-- [...] Vous l'épousez-bien ? » ; « -- Votre servante, madame »/ « -- Bien la vôtre, madame » + répétition de « madame » aux répliques suivantes; « C'est aux duègnes ... « / -- Aux duègnes! Aux duègnes! »).

Comique farce : de mots et de geste (didascalies : « une révérence ») => l'ironie des réparties douces-amères des 2 rivales (stichomythie) ; la vivacité de ce « duel » verbal : les interrogatives, les exclamatives et les interjections ; crescendo : montée de la colère de Marceline (de « aigrement » à « outrée »).

Comique de caractère : l'opposition des 2 femmes => conflit de génération ; perfidies féminines (attaques « ad feminem ») : allusions ironiques de Marceline (« « C'est une si jolie personne que madame !» ; « Surtout bien respectacle! »)

Comique de situation : Bartholo assiste à la scène et double le spectateur (mise en abîme);

Le comique particulier de Beaumarchais : tension dialectique entre la gaieté et la tristesse, mélange des registres => « Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? / L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » Le Barbier de Séville, I, 2


LE PIEGE SE RESSERRE AUTOUR DES 2 FIANCES : « effrayons d'abord Suzanne sur la divulgation des offres qu'on lui fait » , Marceline, I, 4 (cf. l'air de la calomnie de Basile dans Le Barbier de Séville.

Mais Suzanne ne se laisse pas faire : « Allez , madame! Allez, pédante! Je crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages » (I, 6) ==> Qui semble l'emporter à la fin de cette scène ? (qui le ridicule vise-t-il?)


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Bibliographie complémentaire sur les dramaturges et romanciers du siècle des Lumières :

L'Ile des esclaves et Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux
Le Barbier de Séville, Beaumarchais

Paradoxe sur le comédien et Jacques le fataliste et son maître de Diderot
Le Paysan parvenu et La Vie de Marianne de Marivaux
Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos


cf. Le Théâtre des paroles et "Le Vrai sang" de Valère Novarina : http://tempotheatre.blogspot.com