le dialogue argumentatif

LE DIALOGUE : sujets d'invention de dialogues aux EAF (de la 2de à la 1ère)

Convaincre, persuader, délibérer (le dialogue) ; le théâtre (texte et représentation) : énonciation et narration

Le dialogue : l’argumentation en dialogue (Argumenter et délibérer : le dialogue, l’essai, l’apologue, T, 3ème partie ; Mde, 2ème partie, B : 20 le dialogue argumenté)

Les textes dialogiques à visée argumentative mettent en scène une délibération qui relève de l’essai. Ils sont proches du genre théâtral. L’expression d’une thèse et d’une antithèse permettent au lecteur de se faire lui-même son opinion, même si le raisonnement est parfois davantage orienté dans un sens : le lecteur-spectateur est tenu à distance par la mise en scène dramatique, une forme de « catharsis », plus intellectuelle qu’émotionnelle.


Le dialogue heuristique : ("heuriskein" : « trouver » ; « hypothèse heuristique » : qui sert à la découverte; méthode heuristique : consiste à faire découvrir à l'élève ce qu'on veut lui enseigner ; méthode d'exploration qui procède par évaluations successives et hypothèses provisoires (propositions) cf. la « maïëutique » socratique et le scepticisme de Montaigne : « Que sais-je ? »


Corpus de textes :

Diderot, Entretien d’un père avec ses enfants, 1773 : « Moi - Non ; mais permettez » à la fin. (p. 386)

Lecture intégrale obligatoire : La Controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière (p.400)

Lecture cursive complémentaire : l’incipit des Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques (1773 ; 1796).

Une interview de Roger Planchon (en perspective croisée avec l’objet d’étude : le théâtre) ;

L’ incipit de Enfance, Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute (en perspective croisée avec le biographique)

Le roman philosophique : Jacques le fataliste et son maître, Diderot


VRAI ou FAUX DIALOGUE ?


"La forme du dialogue m'ayant paru la plus propre à discuter le pour et le contre"

Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques, Rousseau (­­60)


Problématique : le dialogue met-il en scène véritable situation de communication ? Y a t-il échange ? délibération ? vrai ou faux dialogue.


LE DIALOGUE : le texte dialogique est, par définition, un type de texte différent du texte argumentatif, narratif ou poétique.

Il se situe toutefois à la croisée de deux objets d'étude : le théâtre (dialogue oral) et l'argumentation : convaincre, persuader et délibérer. C'est pourquoi il est abordé dans le cadre d'une séquence consacrée au théâtre. Un exercice d'invention est proposé en évaluation de cette séquence.

* la double énonciation au théâtre (triple énonciation)

* l'énonciation du discours dans le cadre de la narration (récit bref ou roman : biographie ou autobiographie) : décalage temporel entre le temps de la narration et le temps de l'énonciation. (cf. Figures, Genette : la "diégèse" romanesque)


Genres concernés : la dissertation (herméneutique : dialogue didactique ou heuristique ?)

Le théâtre : dialogue ou monologue ( Pour un oui ou pour un non, Nathalie Sarraute, Athalie, Racine, Le Triomphe de l'amour, Marivaux)

L'essai (débat, dialogue philosophique, questionnement dialectique, interview, etc.)

Le genre narratif : dialogue dans le cadre d'une narration (conversation ou débat intérieur, cf. Enfance, Nathalie Sarraute)

L’interview

Registres : sérieux (notamment polémique) et/ou comique (notamment ironique)








Sujets III / écriture d'invention de dialogues aux EAF : de la 2de à la 1ère


1. "Je suis le maître, je parle : allez, obéissez" (Corneille, Sertorius, et Molière, L'Ecole des femmes). Imaginez deux scènes de théâtre, l'une comique et l'autre tragique, dans lesquelles figurera cette réplique.


2. Ecrivez une courte scène théâtrale dans laquelle une Marceline moderne intervient devant un auditoire masculin hostile pour réclamer une insertion de plus en plus réelle des femmes dans la société. (corpus : Marivaux, La Colonie; Beaumarchais, Le Mariage de Figaro)

Le dialogue théâtral fera alterner courtes tirades et échange de répliques. Vous pourrez donner des indications de mise en scène ou de jeu d'acteurs (didascalies).

Vous imaginerez librement la situation dans laquelle se trouve placée cette Marcelline contemporaine (cadre, interlocuteurs).


3. Imaginez que, dans le prolongement des scènes du corpus, Lisette, Blaise ou Colette se révoltent contre le projet de Merlin et son pouvoir de metteur en scène.

Votre scène théâtrale pourra prendre la forme d'un monologue ou d'un dialogue, ce que la première didascalie justifiera.


4. Dans l'extrait de La guerre de Troie n'aura pas lieu (texte 4 du corpus des EAF 2002), Andromaque expose le point de vue des femmes et les raisons pour lesquelles elles condamnent la guerre.

Ecrivez un dialogue théâtral dans lequel Hector, l'époux d'Andromaque, expose le point de vue des hommes et les raisons pour lesquelles lui aussi condamne la guerre. Il s'adresse à son père Priam en présence d'Andromaque [Ces deux personnages interviendront nécessairement dans la scène théâtrale].


5. Composez le dialogue qui opposerait La Fontaine, revenu sur terre au siècle des Lumières, et Rousseau au sujet des fables et de leur intérêt. Vous tiendrez compte des textes du corpus, notamment de celui de Rousseau, ainsi que des fables que vous connaissez.


6. Imaginez que, comme Malraux, vous avez eu un "entretien" avec une personnalité de votre époque. Racontez à la manière d'un mémorialiste, en ayant le souci de ne pas "tomber" dans l'autobiographie. Comme Malraux, vous ferez part de vos impressions sur


7. Rédigez un dialogue où vous essayez de convaincre une personnalité de votre choix (littéraire, politique, scientifique…) de vous faire son autoportrait. Vous userez des procédés de la persuasion et vous pourrez décider si vous parvenez à vos fins ou non.


8. Imaginez un dialogue entre Chateaubriand et l'une de ses sœurs qui supplie le mémorialiste "d'adoucir son évocation" de leur père.


9. Le peintre Van Loo défend son oeuvre et tente de démontrer à Diderot que seule la peinture permet de tracer un véritable portrait. L'écrivain estime quant à lui que seule l'écriture permet d'atteindre ce but. Vous présenterez ce débat sous la forme d'un dialogue entre le peintre et l'écrivain et donnerez le dernier mot à l'interlocuteur de votre choix.


10. Vous vous préparez à écrire votre autobiographie. Vous vous interrogez sur vos souvenirs d'enfance, sur le choix que vous ferez parmi eux, sur les anecdotes que vous raconterez ou passerez sous silence.


11. Comme Nathalie Sarraute dans l’incipit de Enfance, vous dialoguez avec vous-même.


12. Réécrivez le texte de Jean-Claude Carrière extrait de La Controverse de Valladolid sous la forme de dialogue de théâtre. Utilisez des didascalies. Reprenez tout ce qui relève de la parole dans le texte initial.


13. Réécrivez le dialogue de Diderot : "Entretien d'un père avec son enfant" sous forme de dialogue de théâtre.

Utilisez des didascalies. Transformez en dialogue direct tout ce qui, dans le texte, relève de la parole et peut-être transposé. (réécriture) => débat : l'état de santé d'un prévenu justifie-t-il que ce dernier échappe à la justice ?


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Sujet III – ECRITURE D’INVENTION – Le dialogue d’Hector, d’Andromaque et de Priam


Sujet :


Dans l’extrait de La guerre de Troie n’aura pas lieu, Andromaque expose le point de vue des femmes et les raisons pour lesquelles elles condamnent la guerre.

Ecrivez un dialogue théâtral dans lequel Hector, l’époux d’Andromaque, expose le point de vue des hommes et les raisons pour lesquelles lui aussi condamne la guerre. Il s’adresse à son père Priam en présence d’Andromaque.

{Ces deux personnages interviendront nécessairement dans la scène théâtrale.]

    L‘ARGUMENTATION : un dialogue argumentatif => dégager 3 argumentations distinctes

    2 argumentations opposées, celles d’Andromaque et de Priam : dans le prolongement de l’échange de paroles de la scène du corpus (arguments, exemples et registres).

    Privilégier l’argumentation d’Hector : ses arguments, ses exemples et son registre de parole doivent être inspirés par d’autres répliques du personnage dans la pièce.

L’INVENTION : la mise en scène du dialogue de théâtre => texte et didascalies

Caractériser chaque personnage (argumentation et registres respectifs).

Cf. Dialogue d’un père avec ses enfants, Diderot


DRAMATISATION :

La forme dialoguée offre l’avantage de mettre en situation, en action (en scène comme au théâtre mais dans le cadre d’une narration), à travers la présence réelle de plusieurs voix (plusieurs interlocuteurs), l’échange d’idées (les 2 thèses), ce qui permet une prise de parole alternée. Chaque réplique ou chaque intervention, dans le jeu d’alternance, prend appui sur ce qui précède dans une démarche d’objection, de réfutation ou d’acceptation partielle. Le dialogue retranscrit au style direct traduit et rend, plus que le discours écrit, la spontanéité des réactions immédiates, le caractère direct des échanges.


La qualité de l’argumentation pousse chaque interlocuteur à aller plus loin dans la recherche d’arguments, ce qui dramatise le débat et laisse libre cours à l’entrée du passionnel et du subjectif.


ARGUMENTATION :

Sur le plan de l’argumentation elle-même, le dialogue permet au lecteur de comprendre de façon plus précise, plus vivante, les mécanismes de persuasion et les différents processus mis en action pour atteindre l’interlocuteur, le pousser dans ses retranchements, lui faire préciser sa pensée, voire le mettre en contradiction avec lui-même. Le dialogue permet aussi de mieux comprendre  parce que c’est vu et perçu en action  les modifications qui s’opèrent dans le discours des interlocuteurs par effet de réciprocité de leurs paroles : ils s’influencent l’un l’autre, la faiblesse de l’un provoquant la force de l’autre, la résistance de l’un poussant l’autre à consolider ses arguments.


LOGIQUE : De manière très intéressante, mais difficile à suivre et à analyser, l’argumentation mêle les effets de continuité (il n’y a pas ici de retournement de situation en ce qui concerne les 2 thèses) à la discontinuité des répliques. On peut ainsi définir deux thèses au départ, qui s’opposent, mais qui ne suivent pas, ensuite, le déroulement linéaire dans l’exposé de leurs arguments : certains n’auraient pas été donnés si la discussion ne s’était pas orientée dans cette direction. (Pbtique : comment le raisonnement progresse-t-il ).


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Corrigé du devoir d’invention : pour vous donner une idée des proportions du dialogue d’invention… (cf. annabac 2003, Hatier)


Andromaque.  Où est la pire lâcheté ? Paraître lâche vis-à-vis des autres, et assurer la paix ? Ou être lâche vis-à-vis de soi-même et provoquer la guerre ? *

* Phrases empruntées à la pièce de Giraudoux.

Hector, est entré, l’air préoccupé ; il se dirige vers Andromaque et lui prend les mains.

 Provoquer la guerre, Andromaque, n’est-ce pas une absurdité ? Pour une simple aventure ? La lâcheté, n’est-ce pas plutôt d’accepter de sacrifier un peuple à une femme, aussi belle soit-elle ? Et sait-on au moins si Pâris aime vraiment Hélène ? Père, les Troyens vous réclament : ils veulent entendre leur roi, savoir ce que les Dieux attendent d’eux. Adressez-vous au peuple, mon père. Vous seul pouvez leur insuffler votre sagesse, empêcher le carnage qui se prépare.

Priam. La situation n’est pas si simple, Hector. Les Achéens ont bafoué nos lois, raillé nos coutumes. Cette guerre, ce sont eux qui l’ont voulue. Et tu voudrais que moi, Priam, je m’incline devant leur affront, que Troie tout entière perde la face, que je dépouille les Troyens de leur honneur et de leur dignité ?

Hector.  Assez, père ! Mes hommes sur le champ de bataille risquent bien plus que leur honneur, que leur dignité, que vos valeurs au nom desquelles on vole la vie. Ils risquent les tendres baisers de leur femme, ils risquent les rires de leurs enfants, quand ils passent la main dans leurs cheveux, les couchers de soleil ocres et beiges qui n’en finissent plus et ont une saveur d’infini, la fraîcheur de la pluie lors des orages d’été…

Priam.  Plaisirs de mortels que tout cela ! Comment construire un peuple sur de telles futilités ? Ces plaisirs se gagnent, ils sont le fruit du courage, de la volonté. Voilà vers quoi nos Troyens doivent naviguer, des valeurs nobles, guerrières, mais justes !

Hector.  La valeur suprême, père, c’est la vie humaine ! Tout cela est absurde… la guerre est une machine, une mécanique diabolique qui inverse les valeurs. Est-il lâche de désirer la vie ? Pesez cela, père. On exige des généraux, on exige de moi courage et bravoure et je ne crois pas avoir jamais démérité… J’ai vu couler le sang et j’en ai reçu les éclaboussures au visage… J’ai vu agoniser les meilleurs de mes compagnons, l’un frappé par un javelot traîtreusement fiché dans le dos  et je l’ai aidé à mourir en lui souriant du mieux que je pouvais  , l’autre hideusement défiguré, alors qu’il murmurait le nom de sa douce femme  et je lui ai promis de soutenir sa veuve dans la douleur , enfin mon petit écuyer à qui j’ai fait boire, comme s’il était mon enfant, la suprême goutte à la gourde de la vie. A chaque fois, ce que j’ai attrapé au vol dans la guerre  et ce qui en fait son seul prix , c’est l’occasion d’aimer et de donner une parcelle sinon de vie, du moins d’espoir. Je ne veux pas mourir, père. Non par peur de la mort  la mort est si facile , mais parce que je veux vivre et construire pour mes enfants.

Priam.  Alors défends les tiens, protége ton peuple, bats-toi enfin. Sacrifie ton bonheur personnel à l’honneur d’un peuple.

Andromaque.  Mais le peuple n’est rien qu’une simple abstraction, père ; le peuple, cela n’existe pas, ce n’est que l’addition abstraites de mille individus, faits de chair et d’émotions. Le peuple c’est mon fils, Astyanax, qui a peur de son père quand il porte son casque brillant, c’est Hector, le vaillant général bourrelé de remords quand il tue…

Hector.  C’est le paysan qui donne le blé blond à son voisin, c’est la femme qui met au monde un nouvel enfant, c’est ma petite nièce qui jouait avec mon écuyer mort avant l’heure, c’est l’artisan qui cisèle un bracelet d’or pour les fêtes du printemps revenu… Demandez-leur, seul à seul à chacun, à l’ombre de l’olivier gonflé de ses fruits généreux, s’ils veulent la guerre. Bien bas, ils vous diront que leur bonheur si simple a horreur de la guerre… Vous parlez de « l’honneur d’un peuple » ? Vous demandez de sacrifier son bonheur et celui de tous à une abstraction ? Cela n’a pas de sens !

Prima.  En somme, c’est la honte de la capitulation devant les Achéens que tu proposes ?

Hector.  Il est encore temps de négocier, de rendre Hélène à son époux Ménélas et leur honneur à ceux à qui nous l’avons ravi. Les Achéens eux-mêmes ne veulent pas la guerre. Leurs chefs seuls se réjouissent, comme vous vous réjouissez. Je les ai vus aussi ces soldats grecs, sur le champ de bataille : leurs yeux sont pleins de cette même impuissance et de cette même incompréhension qui emplissent les yeux de mes hommes. Ils obéissent mais ne comprennent pas.

Andromaque.  Eux aussi ont leurs familles qui les attendent, dans l’espoir du retour. Les femmes sont à l’affût du bruit de pas de leur mari, comme j’attends chaque soir qu’Hector passe le pas de la porte et m’annonce que le siège est levé, que tout va redevenir comme avant. Pourquoi alors se battre ? Pourquoi tant de souffrances ? Une guerre, déclarée  comble d’absurdité !  pour une histoire d’amour, celle de Pâris et d’Hélène… la guerre pour l’amour… Il n’y a que les hommes pour inventer cela… Et ceux qui prônent le courage et l’héroïsme restent au fond de leur palais… Ne sont-ils pas, ceux-là, les vrais lâches ?

Priam.  Est-ce une insulte ? Les braves d’autrefois  et j’en fus  lorsque, affaiblies par l’âge vénérable, leurs jambes ne les portent plus et ne leur permettent plus de vaincre la vitesse de la flèche, lèguent à leurs fils le flambeau et le droit de protéger leur pays ; Hector, tu as hérité de cette tâche, acquitte-toi de ta dette ; je t’ai remis un pays prospère et exempt de tout affront, tu me dois en retour la conservation de ce bien.

Hector.  Je n’entends pas me dérober à ma tâche ni à ma dette : mais cette dette est-elle la ruine et la désolation qu’apporte la guerre ? Cette dette est-elle la destruction des valeurs ancestrales de la famille et de l’humanité ? N’est-ce pas plutôt le dévouement quotidien, le travail et la prospérité ? N’est-ce pas la paix et la cité florissante parce que les navires aux flancs rebondis de richesses, venus de loin, ont accosté sur nos côtes ? N’est-ce pas la mélodie du berger qui mène au son de sa flûte champêtre les brebis aux mamelles gonflées de lait ? N’est-ce pas le frémissement des blés secoués sous la brise venue de la mer ? N’est-ce pas le pain que nos femmes façonnent et qui sort des braises tout fumant ? C’est cette dette-là que j’ai envers vous, ce n’est pas la mort de mes compagnons. Il n’est qu’une humiliation pour l’homme, la fausse gloire. *

Priam.  La dette de tout homme qui se respecte est de mourir pour son pays.

Andromaque.  On meurt toujours pour son pays ! Quand on a vécu en lui digne, actif, sage, c’est pour lui aussi qu’on meurt. Les tués ne sont pas tranquilles sous la terre, Priam. Ils ne se fondent pas en elle pour le repos et l’aménagement éternels. Ils ne deviennent pas sa glèbe, sa chair. Quand on retrouve dans le sol une ossature humaine, il y a toujours une épée près d’elle. C’est un os de la terre, un os stérile. C’est un guerrier.*

Hector.  Et ce guerrier est jeune… un enfant, parfois. Il était la promesse d’un bras fort qui pourrait mener la charrue. Car la guerre fait toujours sa proie de la jeunesse. Là où la jeunesse meurt, le pays meurt.*

Andromaque.  Et qui reste alors pour reconstruire ce qui a été détruit ? pour réparer ce qui est brisé ? La guerre est rapide comme l’éclair, mais combien d’années faut-il pour en effacer les cicatrices !

Hector.  … dont certaines ne disparaîtront jamais ?

Priam.  Je porte encore fièrement celles que les combats m’ont infligées : elles sont le rempart que j’ai dressé entre l’assaillant et vous !

Hector.  Il est temps, père, de dresser d’autres murs pour nous sauver : ceux de la parole, de la négociation Laissez-moi parler à Hélène : je lui représenterai que cette guerre qu’elle laisse éclater risque de lui enlever Pâris à tout jamais, qu’elle pleurera sur lui comme Andromaque sur mon corps et vous sur celui de vos cinquante vaillants fils. Elle a un cœur de femme et mes paroles sauront la persuader de regagner les côtes dorées et le soleil de la Grèce…

Priam.  Peine perdue. C’est écrit : les dieux ont décrété que la guerre de Troie aura lieu. Ils se servent de nous comme de pions dans leur jeu. Inutile de pécher par orgueil contre eux : l’homme ne peut se mesurer à eux.

Hector.  Père, voici Hélène. Au nom de nos femmes, laissez-moi la supplier.

Il sort