Un mouvement culturel européen : "Les Lumières"
L'argumentation : Littérature et altérité, de l' « Humanisme » aux « Lumières »
"L'autre, un sujet en question(s)" : visions de l'homme et du monde
Convaincre, persuader, délibérer ? l’apologue et le conte philosophique
Candide ou l’Optimisme, Voltaire (1758-1759)
en UTOPIE… ?
Dossier-enquête sur la place du sujet dans l’histoire de la communication et des représentations : « l’autre un sujet en question » ou les représentations du bonheur.
POESIE* ET DECHIFFREMENT DU MONDE : une enquête « générationnelle » sur l’engagement de l’écrivain et sa quête des « clés du bonheur »…
* au sens étymologique de création
La quête de bonheur de Voltaire, du poème « Le Mondain » en 1836 à la fin de Candide en 1858-59 et à la philosophie du « bon Bramin » (p. 435) en 1761 se veut une quête raisonnable, modeste, sa conception du bonheur plus matérielle, plus concrète, plus pragmatique que celle des philosophes optimistes (Leibniz et Rousseau) : « Il faut cultiver notre jardin. », telle est la leçon de la fin de Candide.
* cf.l’hédonisme de Voltaire.
Les idéaux des « lumières » (dans le prolongement de l’Humanisme de la Renaissance) : PAIX, PROGRES, TRAVAIL ET ESPRIT D’ENTREPRISE, BONHEUR, TOLERANCE, LIBERTE, EGALITE… HUMANITE
Littérature et engagement : les engagements de Voltaire dans Candide ou l’Optimisme
La thèse pessimiste (« pessimisme gai ») est opposée à l’optimisme de Rousseau et de Leibniz ; l’expérience de la vie ( métaphore de l’ « engano » ) est préférable au savoir livresque de Pangloss ; la démonstration de la violence et de la méchanceté des hommes (orgueil nobiliaire, guerre, discrimination : esclavage et racisme, etc.) permet de dénoncer les injustices et les atteintes aux liberté (Cf. Déclaration des Droits de l’homme, 1789).
Mais la leçon à retirer de ce conte philosophique au bout du compte est-elle une invitation au repli sur soi ? (cf. chapitre final : Il faut cultiver notre jardin”).
Lecture intégrale : Candide ou l’Optimisme, Voltaire (1758-59)
Chapitre 1 : dès l’incipit apparaît la critique de l’optimisme (du début à « la meilleure des baronnes possibles. » )
Chapitre 3 : la critique de la guerre (« Rien n’était si beau, si leste […] à côté de bras et de jambes coupés. » )
3. Chapitre 6 : la critique de l’autodafé (tout le chapitre)
Chapitre 19 : la critique du racisme (« En approchant de la ville […] et en pleurant, il entra dans Surinam » ; p. 100)
Chapitre 30 : la leçon finale (« Candide, en retournant dans sa métairie […] mais il faut cultiver notre jardin. » )
La séquence a été centrée sur les valeurs et les idéaux des Lumières, le combat pour les droits de l’homme sur le thème de « l’autre, un sujet en question » en complément de l’Humanisme et en perspective croisée avec l’objet d’étude : l'argumentation.
La lecture intégrale d’un conte philosophique, Candide de Voltaire (1756-1759) et la lecture cursive de textes complémentaires, notamment Histoire d’un bon Bramin (1761) visent à définir les caractéristiques et les enjeux du siècle des « Lumières » en France, à approfondir la notion de mouvement littéraire et culturel et à illustrer deux notions carrefours à la croisée des genres et des registres : l’éloge et le blâme en perspective croisée avec l’argumentation (convaincre, persuader, délibérer : l’essai, le dialogue, l’apologue).
L’apologue : quelle est la limite entre le conte philosophique court et l’apologue ? (cf. dossier : définitions génériques et typologiques de l’objet d’étude).
1. « apologus » (1490) : petite fable visant essentiellement à illustrer une leçon de morale ;
2. Selon l’Encyclopédie au XVIIIème siècle : fable morale ou espèce de fiction dont le but est de corriger les mœurs des hommes.
3. Selon l’Encyclopaedia Universalis, il semblerait que le mot apologue soit préféré à celui de fable lorsqu’on veut mettre l’accent sur la dimension pédagogique du récit, sur sa finalité morale.
La satire (fiche, p. 373) correspond à une attitude critique. Elle porte un regard qui prend ses distances avec son sujet pour en montrer les aspects négatifs, souvent par des procédés ironiques : des procédés comme la comparaison, l’amplification, l’accumulation et l’exagération contribuent au dénigrement, à la dévalorisation systématique opérée à l’aide d’un vocabulaire le plus souvent dépréciatif ou exagérément mélioratif (« Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées », Candide, III ; « bel autodafé », Candide, VI).
La stratégie du détour du conte permet à Voltaire de défendre implicitement son déisme* (il défend la « religion naturelle », « celle qui n’enseignerait que l’adoration de Dieu, la justice, la tolérance et l’humanité » contre la religion « artificielle ») et de manifester indirectement son anticléricalisme et son refus des formalismes dogmatiques (il attaque la religion « artificielle » : les églises, les prêtres, les fanatiques…) [*« les meilleurs livres sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié »].
*Lire le texte : « Prière à Dieu » , extrait du Traité sur la tolérance, 1763 , p. 102
PROBLEMATIQUE : l’étude des idéaux des « Lumières » ; la littérature engagée des écrivains du XVIIIème siècle en France.
Une écriture à visée politique, une littérature polémique et didactique : critique (contestation de l’autorité et de la tradition) et proposition de solutions (les idées de progrès et de paix indissociables de celles de bonheur : les utopies). Le rationalisme : ses avantages (littérature et engagement) et ses limites (l’« instrumentalisation » de la littérature).
« L’AUTRE, UN SUJET EN QUESTION » :
Chapitre I : la critique de l’aristocratie et de l’optimisme de Leibniz ;
Chapitre III : la critique de la guerre (cf. articles : « Guerre » du Dictionnaire philosophique, Voltaire, 1764 ; « Paix » de L’Encyclopédie , 1752-1772) ;
Chapitre VI : la critique du fanatisme et de la pratique de l’autodafé (du « Poème sur le désastre de Lisbonne », 1756 à Histoire d’un bon bramin, 1761, p. 435 . Rappel : Le Chevalier de La Barre âgé de 19 ans fut condamné pour impiété et décapité en 1766, le Dictionnaire philosophique de Voltaire est brûlé avec son corps).
Chapitre XIX : la critique du racisme (manuel de français, p. 100)
La philosophie de Leibniz est porteuse selon Voltaire d’une idéologie suspecte, puisqu’elle justifie toutes les injustices et les horreurs de ce monde, dont les guerres (chapitre III) , les tremblements de terre et les autodafés de l’Inquisition (chapitre VI) , l’esclavage et le racisme (chapitre XIX) . Chaque chapitre de Candide peut être lu comme une leçon de réalisme et de pragmatisme (en ce sens chacun fonctionnant un peu comme un apologue invite à une double lecture suivant la stratégie du détour : au premier degré comme un conte fantaisiste et divertissant qui relève du genre narratif, de l’oralité et du merveilleux du conte, au second degré comme un conte philosophique et satirique à visée argumentative destiné à dénoncer par l’ironie des injustices et des abus.
I. Une lecture naïve (1er degré) : définition typologique du conte (registres comiques et merveilleux);
II. Un conte philosophique à visée argumentative : les armes de l’ironie et de la satire ; les valeurs des « Lumières » ;
III. L’évolution du héros : est-il vecteur d’un énoncé didactique sur le monde ?
Complément de dossier :
un rappel sur l’apologue et les valeurs des « Lumières » en fin d’article ;
Les limites de la littérature engagée : le dogmatisme de Voltaire ou son évolution entre 1756 et 1761 : de Candide à Histoire d’un bon Bramin ;
Les schémas narratifs et actantiels (lecture intégrale) : l’évolution du personnage de Candide ;
L’hédonisme de Voltaire.
Les conditions de la conception de Candide ou L’optimisme
Le héros progresse-t-il ? (un réel parcours initiatique ?)
Cf. Le schéma narratif du parcours initiatique du héros : les voyages de Candide ((thème de l’« engano » : métaphore de l’embarquement) .
Peut-on trouver quelque part un lieu qui échappe au malheur ?
Schéma narratif du parcours initiatique du héros : les voyages de Candide ((thème de l’« engano » : métaphore de l’embarquement) . Un récit à tiroir avec des mises en abymes comme l’ « Histoire de Cunégonde » au chapitre VIII et l’ « Histoire de la vieille » aux chapitres XI et XII.
Le héros « embarqué »* se transforme au fil de ses découvertes et de ses rencontres.
* la métaphore de l’embarquement (« engano » : l’embarquement / « desengano » : la vie n’est pas un songe : chassé de ce qu’il croit le paradis familial, il découvre les horreurs du monde : la guerre, les tremblements de terre, l’Inquisition et les autodafés, les naufrages, la mort de son maître, etc.)
I. Westphalie (Frédéric II de Prusse) - II. Chez les Bulgares – III. En Hollande – V. En mer vers Lisbonne – VI. A Lisbonne – X. en route vers Cadix – En mer vers le Parguay – XIII. A Buenos Aires – XIV. Chez les Jésuites du Paraguay – XVI. Chez les anthropophages Oreillons – XVII. En Eldorado – XIX. A Surinam (Guyane) – XX. En mer vers la France – XXII. A Bordeaux, puis à Paris – XXIII. Vers l’Angleterre, côte de Portsmouth, puis vers Venise – XXIV. Venise – XXVII. En mer, vers Constantinople – XXIX. Sur les rives de la Propontide (= mer de Marmarà, à Constantinople)
Candide progresse : au chapitre III il fuit, au chapitre VI il subit (« fessé en cadence » ), au chapitre XIX il pleure et commence à remettre en cause l’optimisme de son maître (« O Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’en est fait, il faudra à la fin que je renonce à ton optimisme. Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal : et il versait des larmes en regardant son nègre ; et en pleurant, il entra dans Surinam. »), mais ce n’est qu’au chapitre final que son apprentissage est terminé : « il faut cultiver notre jardin » .
C’est la confrontation au mal qui le fait évoluer. La démonstration de Voltaire est éloquente par sa redondance pédagogique. Elle s’oppose aux théories optimistes de Pangloss, et en arrière-plan, de Leibniz et de Rousseau. Le mal existe, il faut l’accepter et perdre son innocence pour affronter les épreuves de la vie en toute connaissance de cause. En ce sens, on peut dire que Voltaire fait œuvre de pédagogue par le biais de la stratégie du détour du conte philosophique imaginée en contrepoint de la pédagogie adaptée à l’enfant que Rousseau proposera quatre ans plus tard dans son essai : Emile ou de l’Education en 1762.
Pour l’un, l’enfant (un sot, un niais, un nigaud comme « Candide ») est en danger dans la société dès hommes et il lui faut mûrir au plus vite pour apprendre à se défendre et à s’arranger des malheurs du monde sans chercher à comprendre autre chose que son propre intérêt pour assurer sa survie, et si possible sa sécurité et son confort personnel, si possible aussi celle de ses proches comme Candide le fait dans sa métairie au chapitre XXX : « Il faut cultiver notre jardin ». Pour l’autre qui ouvre la voie à la pédagogie moderne, l’enfance est un état privilégié et l’innocence de l’enfant doit être protégée, l’enfant guidé dans son évolution par des maîtres attentifs et bienveillants. Lequel des deux a raison : Rousseau ou Voltaire ? « C’est de la faute à Rousseau, c’est de la faute à Voltaire », lançait le Gavroche des Misérables de Victor Hugo un siècle plus tard en tombant sous les barricades…
C’est l’éternel débat entre les idéalistes qui croient au bien et en la possibilité d’un monde meilleur et les opportunistes prétendument réalistes qui s’arrangent de ce qui existe et acceptent les compromis, quitte à jouer la politique de l’autruche comme Candide ou à se salir les mains, comme Créon dans Antigone. Voltaire, le mondain pamphlétaire, s’oppose à Rousseau, le philosophe misanthrope.
La jeunesse généreuse en quête d’absolu comme celle d’Antigone ou d’Hamlet a du mal à se satisfaire du cynisme et du pragmatisme du pessimiste Voltaire.
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L’HEDONISME et LE BIEN-ETRE MATERIEL : Voltaire, en antithèse du jansénisme et des thèses de Rousseau sur le mythe du « bon sauvage », fait une apologie du luxe dans ce poème et dans l’article « luxe » de son Dictionnaire philosophique en 1764 pour défendre le progrès des « Lumières » et les commodités de la civilisation.
Poème : « Le Mondain » composé par Voltaire en 1736 (« Le paradis terrestre est où je suis »).
« Regrettera qui veut le bon vieux temps,
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents ;
Moi je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant décrié par nos pauvres docteurs :
Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
J’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,
La propreté, le goût, les ornements :
Tout honnête homme a de tels sentiments.
Il est bien doux pour mon cœur très immonde
De voir ici l’abondance à la ronde,
Mère des arts et des heureux travaux,
Nous apporter, de sa source féconde,
Et des besoins et des plaisirs nouveaux.
L’or de la terre et les trésors de l’onde,
Leurs habitants et les peuples de l’air,
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
O le bon temps que ce siècle de fer !
Le superflu, chose très nécessaire.
Voyez-vous par ces agiles vaisseaux
Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux,
S’en vont chercher, par un heureux échange,
De nouveaux biens, nés aux sources du Gange,
Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans,
Nos vins de France enivrent les sultans ?
Quand la nature était dans son enfance,
Nos bons aïeux vivaient dans l’ignorance,
Ne connaissant ni le tien ni le mien.
Qu’auraient-ils bien pu connaître ? Ils n’avaient rien ;
Ils étaient nus, et c’est chose très claire
Que qui n’a rien n’a nul partage à faire.
Sobres étaient. Ah ! je le crois encor :
Martialo n’est point du siècle d’or.
D’un bon vin frai ou la mousse ou la sève
Ne gratta point le triste gosier d’Eve ;
La soie et l’or ne brillaient point chez eux.
Admirez-vous pour cela nos aÎeux ?
Il leur manquait l’industrie et l’aisance :
Est-ce vertu ? C’était pure ignorance.
Quel idiot, s’il avait eu pour lors
Quelque bon lit, aurait couché dehors ? […]
Le paradis terrestre est où je suis. »
Cf. L’article « luxe » du Dictionnaire philosophique (surnommé le « portatif »), 1864
Le solide matérialisme de Voltaire et son sens de la propriété s’opposent aux « rêveries » de Rousseau et à ses théories exposées dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), Rousseau pour qui « la propriété c’est du vol » : on peut donc voir dans la réplique finale de Candide à Pangloss : « Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin », une attaque des philosophes, Leibniz, Wolf et Rousseau (cf. la réponse de Voltaire à l’essai de Rousseau en 1755 : « J’ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain ; je vous en remercie. […] il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage » ).
Voltaire se méfie des marchands d’illusion, du fanatisme et de la superstition et sa philosophie hédoniste et pragmatique reste la même du « Mondain » en 1836 (« Le paradis terrestre est où je suis ») à Candide en 1758-59. Son bonheur, le monde idéal, il préfère le construire ; c’est pourquoi même si lui aussi imagine « un monde à l’envers » suivant la définition de l’utopie avec le « pays d’Eldorado » aux chapitres 17 et 18 de Candide, son héros qui a perdu le paradis de Tunder-ten-tronck renonce aux illusions de la jeunesse pour se contenter d’un bonheur à sa mesure dans sa modeste métairie : « Il faut cultiver notre jardin ». Il est vain de chercher l’Eldorado sur terre ou d’attendre le paradis dans un ailleurs promis par la religion. L’humanité ne peut attendre, elle doit se retrousser les manches et réaliser, grâce à ses efforts, le bonheur limité dont elle est capable. L’épilogue du conte philosophique donne une leçon de pragmatisme. L’expression devenue proverbiale ( « Il faut cultiver notre jardin » ) invite à une restriction des ambitions symbolisée par le repli sur l’espace restreint de la métairie. L’homme doit se contenter de ce qu’il a.
Les combats de Voltaire sont donc destinés à construire le monde « hic et nunc » (ici et maintenant) suivant la formule de Nietzsche. Le polémiste prend sa « plume pour une épée » selon l’expression de Sartre utilisant l’ironie du conte philosophique comme une arme pour dénoncer l’optimisme de Leibniz avec le leitmotiv « tout est bien dans le meilleur des mondes », l’ancien régime dès l’incipit, la guerre aux chapitres second et III, le fanatisme religieux avec notamment la pratique des autodafés au chapitre VI, l’esclavage et le racisme au chapitre XIX.
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Les conditions de la conception de Candide ou L’optimisme , Voltaire (1758-59 : un an de gestation)
Rédaction de Candide à Genève durant l’année 1758, parution à Genève et à Paris, sans nom d’auteur ni indication d’origine, en janvier 1759 : succès immédiat de son auteur aussitôt reconnu. La même année, l’ouvrage fut traduit en Italie et en Angleterre. Mais les autorités politiques et religieuses tentèrent d’en freiner, inutilement, la diffusion : l’œuvre est saisie à Paris, interdite à Genève et à Rome (en 1762).
Voltaire a composé Candide (30 chapitres) dans sa retraite des Délices à Ferney (à la frontière suisse). Voltaire a 64 ans : il cultive son « jardin » . L’optimisme du « Mondain » (1736) s’est dissipé : son expérience malheureuse de conseiller de Frédéric II, la guerre qui a repris au printemps 1756 et embrase l’Europe, les tremblements de terre de Lisbonne de 1755 (40 000 morts) dessinent le contexte biographique et historique de l’écriture de ce conte charnière. Il est écrit durant l’année 1758 et paraît à Genève et à Paris, sans nom d’auteur ni indication d’origine, en janvier 1759. la gestation s’est étalée sur un an. Le succès fut immédiat et immense, et son auteur aussitôt reconnu. La même année, son ouvrage fut traduit en Italie et en Angleterre. Mais les autorités politiques et religieuses tentèrent d’en freiner, inutilement, la diffusion : l’œuvre est saisie à Paris, interdite à Genève et à Rome (en 1762).
Contexte biographique et historique d’écriture de l’écriture de ce conte charnière :
Le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 : 40 000 morts : Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756 (chapitre VI)
L’expérience malheureuse de conseiller de Frédéric II
La guerre qui a repris au printemps 1756
L’exécution de l’amiral Byng : 1er mars 1757 (chapitre XXIII)
Les colères de Voltaire : les circonstances d’écriture de ce conte qui relève de la littérature engagée ou polémique. L’écrivain polémiste, prenant sa « plume pour une épée » suivant l’expression de Sartre, utilise l’ironie comme une arme.
1755 : 2 tremblements de terre à Lisbonne (30 000 morts).
En 1755, un violent séisme fait 30 000 morts à Lisbonne. Cet événement conduit Voltaire à s’interroger sur la Providence, mais surtout sur la philosophie déterministe qui affirme avec optimisme que tout ce qui s’est passé devait se passer ainsi. L’écrivain exprime sa révolte dans un poème dont le ton change du « Mondain » : « Poème sur le désastre de Lisbonne », 1756. Il y déplore un tel événement en exprimant une sincère compassion pour les victimes et rejette les fausses justifications d’une philosophie trompeuse.
Parution la même année du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau.
1756 – 1763 : la guerre de 7 ans: coalition composée de la France, l’Autriche, la Russie, la Saxe, la Suède et l’Espagne contre celle formée par l’Angleterre, la Prusse et le Hanovre.
« Poème sur le désastre de Lisbonne », 1756
« Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !
Ô de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien ! » ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous : « C’est l’effet des éternelles lois
Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix » ?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
« Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes » ?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
De vos frères mourants contemplant les naufrages,
Vous recherchez en paix les causes des orages :
Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,
Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes,
Ma plainte est innocente et mes cris légitimes.
Partout environnés des cruautés du sort,
Des fureurs des méchants, des pièges de la mort,
De tous les éléments éprouvant les atteintes,
Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes.
C’est l’orgueil, dites-vous, l’orgueil séditieux,
Qui prétend qu’étant mal, nous pouvions être mieux.[…] »
La critique de l’optimisme : elle s’étend à une critique de la philosophie en général (plus particulièrement celles de Leibniz, Wolf et Rousseau) et de la métaphysique qui ne proposent pas de solutions immédiates : aussi, l’ironie de Voltaire n’épargne-t-elle pas Candide , disciple de Pangloss au chapitre III de Candide : « Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque […], il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes ». Mais ce n’est qu’au chapitre XIX de son parcours initiatique que l’élève se rebelle enfin contre le maître pour remettre en cause son optimisme : « O Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’en est fait, il faudra à la fin que je renonce à ton optimisme. Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal : et il versait des larmes en regardant son nègre ; et en pleurant, il entra dans Surinam. », Candide, chapitre XIX
Rappel :
La philosophie de Leibniz est porteuse selon Voltaire d’une idéologie suspecte, puisqu’elle justifie toutes les injustices et les horreurs de ce monde, dont les guerres (chapitre III) , les tremblements de terre et les autodafés de l’Inquisition (chapitre VI) , l’esclavage et le racisme (chapitre XIX) . Chaque chapitre de Candide peut être lu comme une leçon de réalisme et de pragmatisme (en ce sens chacun fonctionnant un peu comme un apologue invite à une double lecture suivant la stratégie du détour : au premier degré comme un conte fantaisiste et divertissant qui relève du genre narratif, de l’oralité et du merveilleux du conte, au second degré comme un conte philosophique et satirique à visée argumentative destiné à dénoncer par l’ironie des injustices et des abus.
I. Une lecture naïve (1er degré) : définition typologique du conte (registres comiques et merveilleux);
II. Un conte philosophique à visée argumentative : les armes de l’ironie et de la satire ; les valeurs des « Lumières » ;
III. L’évolution du héros : est-il vecteur d’un énoncé didactique sur le monde ?
La leçon ou la philosophie de Candide ou l’optimisme : la sagesse ou la philosophie de Voltaire de Candide ou l’Optimisme (1758-1759)
Il faut trouver des remèdes au mal qui règne dans le monde.
se taire : tout a été dit, montré, démontré ; les bavardages métaphysiques ne règlent pas les problèmes, mieux vaut agir (Pangloss et Candide ne sont-ils pas condamnés par l’Inquisition au chapitre VI, l’un pour avoir trop parlé, l’autre pour avoir écouté ?), c’est pourquoi le jeune héros invite en fin de parcours son précepteur à se taire.
travailler : « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. »
« Il faut cultiver notre jardin » : injonction allégorique à prendre au sens figuré de : « se cultiver, fertiliser le monde » (métaphore), agir au lieu de perdre son temps en vains commentaires (et non au sens propre de se replier égoïstement sur soi).
Extrait étudié au chapitre XXX : « Candide, en retournant dans sa métairie […] mais il faut cultiver notre jardin ».
(une analyse plus développée de cet extrait sera proposée après celles des chapitres I, III, VI et XIX)
Les attaques (ou les haines) de Voltaire [cf. les limites de la littérature engagée et du « dogmatisme » de Voltaire] :
Contre la théorie de Leibniz : les désastres contemporains (naufrages, tremblements de terre) montrent l’aberration d’une vision optimiste ( « tout est bien dans le meilleur des mondes » );
Contre la théorie de Wolf : il n’y a pas d’effet sans cause ;
Contre l’Eglise et l’intolérance, le fanatisme religieux, la superstition et l’ignorance ( « l’infâme » ) : l’autodafé de Lisbonne condamne au feu des personnes accusées de crimes mineurs (cf. chapitre VI de Candide). Voltaire est anticlérical, mais il n’est pas athée, il est déiste : il croit en Dieu, auteur du monde (« horloger » ) ; il combat le fanatisme des Européens qui veulent imposer leur religion aux habitants des contrées étrangères par tous les moyens, même les violences physiques (cf. Montaigne, les Essais : « Des Coches », « Des Cannibales », XVIème siècle) ;
Contre la guerre source d’horreur, de cruauté, d’absurdité : les Bulgares affrontent les Abares au chapitre III de Candide sans que personne, dans les deux camps sache pourquoi ; la France et l’Angleterre sont en guerre « pour quelques arpents de neige vers le Canada » au chapitre 23 ; (cf. l’article « Guerre » du Dictionnaire philosophique, 1764) ;
Contre l’esclavage et le racisme : le nègre de Surinam est plus maltraité qu’un animal (chapitre XIX).
Contre la monarchie de droit divin et la noblesse qui est selon Voltaire une classe en déclin (chap.I)
Contre la bêtise et les préjugés : l’ignorance et le pédantisme de Pangloss sont stigmatisés dans Candide dont les théories ne résistent pas à l’épreuve des faits. C’est un beau-parleur, mais il n’agit pas. Voltaire prône l’action et le travail. Candide est le récit de la progression du héros : contaminé par l’éducation qu’il a reçue de son maître, il lui faudra s’en affranchir pour la rejeter définitivement au chapitre XXX, à la fin de son cycle d’apprentissage.
Combat de Voltaire contre les théories de Leibniz incarnées par Pangloss, contre la bêtise et les préjugés : l’ignorance et le pédantisme de Pangloss dont les théories ne résistent pas à l’épreuve des faits sont stigmatisés dans Candide. C’est un beau-parleur (il parle trop, cf. VI) , mais il n’agit pas. Voltaire prône l’action et le travail. Candide est le récit de la progression du héros contaminé par l’éducation qu’il a reçue de son maître dont il rejettera définitivement les discours au chapitre XXX, à la fin de son cycle d’apprentissage.
Pangloss n’évolue pas malgré ses malheurs : la vie ne lui apprend rien, aucune sagesse, à la différence de Candide. Phraseur, pédagogue dangereux, il met son élève en danger et reste en décalage par rapport aux événements. Fausseté des théories de Pangloss, 33 – 34 – 39 : le mal indispensable
Raisonnements ridicules et pernicieux (spécieux) / Jacques : adjuvant, l’inverse du bavard qui ne se paie pas de discours creux mais travaille et fait le bien (théorie pessimiste de l’homme = loup (p. 29) inspirée de Hobbes.
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Candide ou l'Optimisme, Voltaire (1758-59)
I - La "poétique" du texte : un conte
L'ENONCIATION - LA NARRATION
Les étapes de la narration : la construction du récit, le rythme de la narration
Les schémas narratif et actantiel : http://tempoeroman.blogspot.com
Les registres : la dialectique du sublime et du grotesque => L'IRONIE
(rappel des registres : épidictique, comique, pathétique, tragique, ironique, polémique, satirique...)
Les registres et les points de vue : http://tempoestyle.blogspot.com
'"J'ai longtemps pris ma plume pour une épée", Sartre, Les Mots
VISIONS DE L'HOMME ET DU MONDE
"Le style, c'est l'homme même", Buffon
"Mon nom, je le commence et vous finissez le vôtre"
II. La "critique" : un conte philosophique
Candide, héros ou personnage ?
Le héros-personnage est-il forcément le vecteur d'un énoncé didactique sur le monde ?
L'itinéraire du héros-personnage correspond-il forcément à celui de l'écrivain ?
FICHE AUTEUR à compléter...