Dans l'Antiquité grecque, les philosophes étaient en général physiciens et métaphysiciens ; Pascal et Descartes au XVIIème siècle mathématiciens et philosophes.
La dialectique (un jeu d'équilibre à trouver entre opposition et complémentarité) : la délibération (ou synthèse) permet de dépasser le manichéisme réducteur des couples antithétiques :
"esprit de géométrie" - "esprit de finesse" (Pascal) ; être-paraître ; immanence-transcendance (eschatologique) ; éternel-temporel; essence - existence ; légèreté-pesanteur ; matière-esprit ; esprit-lettre ; abstrait - concret ; objectif -subjectif ; individuel-collectif ; instruire-plaire ; Rousseau-Voltaire ; classique-romantique ; "Anciens"-"Modernes" ...
Les relations sociales se sont construites en France sur le mode de la conflictualité : dialectique ou polémique ?
Conflits religieux : la querelle des Jésuites et des Jansénistes, les guerres de religion : les catholiques et les protestants (Réforme et Contre-Réfome) ;
Querelles d'hommes de plume : Pascal/Montaigne ; Racine/Corneille; Voltaire/Rousseau ;Sartre/Camus
Querelles idéologiques et politiques : « Jésuites » (« molinistes »), « Jansénistes » (Pascal, Les Provinciales ; "Modernes" , "Anciens" ; "Romantiques », « Classiques » ; « Dreyfusards » , « Anti-Dreyfusards », « Classique »/ »Romantique »/ « contemporain » (« conceptuel »), Symbolisme/ Parnasse/ Art « engagé » ;
1636 : querelle du Cid de Corneille (premier débat de L'Académie française récemment constituée) ;
1830 : "la Bataille d'Hernani" : le drame romantique ;
L'engagement de l'écrivain : Voltaire, Rousseau, Victor Hugo, Zola (1898 : "J'accuse" ), Sartre (« Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée" , Les Mots, 1964).
LES CONTRE-UTOPIES : du Prince de Machiavel (le pragmatisme cynique *) à l’Eldorado de Voltaire dans Candide (utopie ou contre-utopie ?) à Rhinocéros de Ionesco, 1984 d’Orwell ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (une dénonciation des régimes totalitaires)
* la lecture paradoxale du Prince de Machiavel par Rousseau.
Le scepticisme de Montaigne (« Que sais-je ? »), le jansénisme de Pascal (« misère de l’homme sans Dieu » ; « le moi est haïssable »), l’ironie et le pragmatisme de Voltaire (« Il faut cultiver notre jardin ») ; le sadisme et le libertinage ; les Illusions perdues de Balzac, la "double postulation baudelairienne" et le « spleen » romantique, la poésie du mal et la négation de Dieu (les philosophes du soupçon), l’existentialisme (La Nausée, Sartre, L’Etranger et La Chute de Camus), la « dégradation de l’absolu » de Michel Leiris, la faillite des idéaux, la défaite de la pensée.
UN MOUVEMENT LITTERAIRE ET CULTUREL EUROPEEN : L’HUMANISME
Présence ou absence du sujet, dégradation ou sublimation, mythe ou réalité, mise en abyme, distorsion ou disparition du sujet ? Réelle Présence ? (« Les événements ont dépassé la vitesse du sens », Jean Baudrillard ; « L’insoutenable légèreté de l’être », Milan Kundera ; La Montée de l’insignifiance, Cornelius Castoriadis ; L’Euphorie perpétuelle, Pascal Bruckner : des Illusions perdues de Balzac et de La Confession d’un enfant du siècle à L’Egoïste romantique, Frédéric Beigbeder ; de La Nausée à Extension du domaine de la lutte, Michel Houellbecq ), Cf. Truismes.
LA DESACRALISATION : l’ironie socratique de Rabelais (un optimisme relatif qui n’exclut pas la satire*) ouvre la voie à une entreprise de démystification qui annonce la modernité (une expérience de mise à distance et de déconstruction : remise en cause de l’idéalisme, de l’harmonie, des valeurs intemporelles et universelles et des canons de la beauté « classique », du religieux et du mystique, du sensible et du sentimental au profit du pragmatisme, du cynisme et du pragmatisme, du sado-masochisme, la revanche de l’instinct animal, du laid et du mal ; cf. la révolution romantique de Victor Hugo, la « poésie du mal » et la « fascination des abîmes » de Balzac et de Baudelaire, le matérialisme primaire, « le parti pris des choses » de Francis Ponge, Les Choses, Georges Perec) ; une esthétique de la dé-construction : fractures et ruptures baroque, romantique, moderne , post-moderne, post-post-moderne…)
* L’éducation du prince : Rabelais ou une parodie de roman de chevalerie (la guerre picrocholine, l’éloge du pantagruelion)
« Mieux est de ris que de larmes écrire
Pour ce que rire est le propre de l’homme. »
Utopies et contre-utopies : de l'intelligible ("Penser c'est nier ce qui est devant soi", Hegel) au sensible ?
"On ne pense que par image, si tu veux être philosophe, écris des romans", Albert Camus
Roland Barthes, Sur Racine (préface)
"La littérature est essentiellement, comme je le crois, à la fois un sens posé et un sens déçu, Racine est sans doute le plus grand écrivain français ; son génie ne serait alors situé spécialement dans aucune des vertus qui ont fait successivement sa fortune (car la définition éthique de Racine n'a cessé de varier), mais plutôt dans un art inégalé de la disponibilité, qui lui permet de se maintenir dans le champ de n'importe quel langage critique.
Cette disponibilité n'est pas une vertu mineure ; elle est bien au contraire l'être même de la littérature, porté à son paroxysme. Ecrire, c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté ; mais comme histoire, langage et liberté changent infiniment, la réponse du monde à l'écrivain est infinie : on ne cesse jamais de répondre à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés, puis mis en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure."
L'œuvre est une forme (comme le temps) : à cette condition seulement, elle peut être une structure d'appel :
"Mais pour que le jeu s'accomplisse […], il faut que l'œuvre soit vraiment une forme, qu'elle désigne vraiment un sens tremblé, et non un sens fermé […] il faut qu'à la duplicité fatale de l'écrivain, qui interroge sous couvert d'affirmer, corresponde la duplicité du critique, qui répond sous couvert d'interroger. […] Allusion et assertion, silence de l'œuvre qui parle et parole de l'homme qui écoute, tel est le souffle infini de la littérature dans le monde et dans l'histoire." Racine, ibid.
"Tous les textes qui sont donnés ici sont comme les maillons d'une chaîne de sens, mais cette chaîne est flottante. Qui pourrait la fixer, lui donner un signifié sûr ? Le temps peut-être : rassembler des textes anciens dans un livre nouveau, c'est vouloir interroger le temps, le solliciter de donner sa réponse aux fragments qui viennent du passé ; mais le temps est double, temps de l'écriture et du temps de la mémoire, et cette duplicité appelle à sont tour un sens suivant : le temps lui-même est une forme." Roland Barthes, Essais critiques, Préface, 1964 (Hatier, manuel 1ère, p. 18)