L'ESSAI - Montaigne, Livre premier, chapitre XXXI

Concours de photos pour le roman "générationnel" 2011 : où cette photo a-t-elle été prise ?

cf. http://tempoeroman.blogspot.com

"Que sais-je ?"


DESCRIPTIF : BAC BLANC (1er trimestre 2010) – 1ère ES 1 - LD Loquet -


Objet d'étude n°1 : l'argumentation


Littérature et altérité de L'Humanisme aux Lumières : "L'autre, un sujet en question"

en perspective croisée avec les mouvement des "Lumières"

    Montaigne, "Des cannibales", Essais, I, XXXI, 1588-1592 : "Or, je trouve, pour revenir à mon propos" à "les moindres et imparfaites, par la dernière."


Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont eux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises,


Et veniunt ederae sponte sua melius,

Surgit et in solis formosior arbutus antris,

Et volucres nulla dulcius art canunt.*


Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l'utilité de son usage, non pas la tissure de la chétive araignée. Toutes choses, dit Platon, sont produites par la nature ou par la fortune, ou par l'art ; les plus grandes et plus belles, par l'une ou l'autre des deux premières ; les moindres et imparfaites, par la dernière.

Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort peu de leçon de l'esprit humain, et être encore fort voisines de leur naïveté originelle. Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres; mais c'est en telle pureté, qu'il me prend quelquefois déplaisir de quoi la connaissance n'en soit venue plus tôt, du temps qu'il y avait des hommes qui en eussent su juger mieux que nous.


*Properce, poète latin du Ier siècle av.J.-C.) :

"Le lierre vient mieux quand il vient de lui-même,

L'arbouse croît plus belles aux antres solitaires

Et les oiseaux sans art n'en ont qu'un chant plus doux"



DESCRIPTIF : BAC BLANC (1er trimestre 2010) – 1ère ES 1 - LD Loquet -


Objet d'étude n°1 : l'argumentation => la subjectivité de la thèse de Montaigne (x l'autoportrait)


"Le style, c'est l'homme même", Buffon


Littérature et altérité de L'Humanisme aux Lumières : "L'autre, un sujet en question"

en perspective croisée avec les mouvement des "Lumières"

    Montaigne, "Des cannibales", Essais, I, XXXI, 1588-1592 : "Or, je trouve, pour revenir à mon propos" à "les moindres et imparfaites, par la dernière."

1er axe :

Première étape de l'enquête : première lecture-découverte du texte

1. Qui parle ?

2. De qui est-il question ?

3. De quoi, est-il question ?


Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont eux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises,


Et veniunt ederae sponte sua melius,

Surgit et in solis formosior arbutus antris,

Et volucres nulla dulcius art canunt.*


Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l'utilité de son usage, non pas la tissure de la chétive araignée. Toutes choses, dit Platon, sont produites par la nature ou par la fortune, ou par l'art ; les plus grandes et plus belles, par l'une ou l'autre des deux premières ; les moindres et imparfaites, par la dernière.

Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort peu de leçon de l'esprit humain, et être encore fort voisines de leur naïveté originelle. Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres; mais c'est en telle pureté, qu'il me prend quelquefois déplaisir de quoi la connaissance n'en soit venue plus tôt, du temps qu'il y avait des hommes qui en eussent su juger mieux que nous.


*Properce, poète latin du Ier siècle av.J.-C.) :

"Le lierre vient mieux quand il vient de lui-même,

L'arbouse croît plus belles aux antres solitaires

Et les oiseaux sans art n'en ont qu'un chant plus doux"


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Montaigne, "Des cannibales", Essais, I, XXXI, 1588-1592 : "Or, je trouve, pour revenir à mon propos" à "les moindres et imparfaites, par la dernière."

2ème axe :

Objet d'étude n°1 : l'argumentation sous la forme d'un essai (GENRE DU TEXTE : la littérature des idées)

2ème axe de lecture de la thèse de Montaigne : un blâme

( dimension critique du texte)

Un discours argumentatif dont la rhétorique se met au service d'une thèse :

La relativité des coutumes et des jugements

Cette thèse est une antithèse :

Montaigne s'élève contre les idées reçues (les préjugés)

Littérature et altérité de L'Humanisme aux Lumières : "L'autre, un sujet en question"

en perspective croisée avec les mouvement des "Lumières"


Retrouvez la légende de mots et expressions mis en couleur dans ce texte, pour identifier les procédés d'écriture, puis proposez un relevé organisé en vue d'une interprétation de ces convergences d'effets rhétoriques : étude de l'énonciation, des champs lexicaux et des figures de style, de la syntaxe et de la logique argumentative qu'elle induit.


* Repérez particulièrement les connecteurs logiques et les modalisateurs de jugement, les restrictions négatives, les comparaisons et les oppositions syntaxiques pour observer le renversement terminologique et logique opéré par l'essayiste.


Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont eux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises


Et veniunt ederae sponte sua melius,

Surgit et in solis formosior arbutus antris,

Et volucres nulla dulcius art canunt.*


Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l'utilité de son usage, non pas la tissure de la chétive araignée. Toutes choses, dit Platon, sont produites par la nature ou par la fortune, ou par l'art ; les plus grandes et plus belles, par l'une ou l'autre des deux premières ; les moindres et imparfaites, par la dernière.


[Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort peu de leçon de l'esprit humain, et être encore fort voisines de leur naïveté originelle. Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres; mais c'est en telle pureté, qu'il me prend quelquefois déplaisir de quoi la connaissance n'en soit venue plus tôt, du temps qu'il y avait des hommes qui en eussent su juger mieux que nous.]


*Properce, poète latin du Ier siècle av.J.-C.) :

"Le lierre vient mieux quand il vient de lui-même,

L'arbouse croît plus belles aux antres solitaires

Et les oiseaux sans art n'en ont qu'un chant plus doux"



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3ème axe (ou conclusion) :


Objet d'étude n°1 : l'argumentation => 3ème lecture : un éloge

Un discours rhétorique au service d'une thèse :

un éloge de la "Nature"

(cf. débat : nature / culture; art ; artifice)

Une thèse paradoxale qui s'appuie sur un renversement des perspectives terminologiques et des idées reçues pour remettre en cause les acquisitions de la civilisation du "vieux monde" et célèbrer, à travers l'apologie du "bon sauvage", l'état de nature avec notamment l'allégorie :

notre grande et puissante mère Nature


Montaigne, "Des cannibales", Essais, I, XXXI, 1588-1592 - DESCRIPTIF : BAC BLANC (1er trimestre 2010) – 1ère ES 1 - LD Loquet -

Objet d'étude n°1 : l'argumentation

Un éloge de l'état de Nature

Une thèse paradoxale qui repose sur une remise en question terminologique et éthique des idées reçues


Littérature et altérité de L'Humanisme aux Lumières : "L'autre, un sujet en question"

en perspective croisée avec les mouvement des "Lumières"

    Montaigne, "Des cannibales", Essais, I, XXXI, 1588-1592 : "Or, je trouve, pour revenir à mon propos" à "les moindres et imparfaites, par la dernière."


Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont eux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises,


Et veniunt ederae sponte sua melius,

Surgit et in solis formosior arbutus antris,

Et volucres nulla dulcius arte canunt.*


Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l'utilité de son usage, non pas la tissure de la chétive araignée. Toutes choses, dit Platon, sont produites par la nature ou par la fortune, ou par l'art ; les plus grandes et plus belles, par l'une ou l'autre des deux premières ; les moindres et imparfaites, par la dernière.


Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort peu de leçon de l'esprit humain, et être encore fort voisines de leur naïveté originelle. Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres; mais c'est en telle pureté, qu'il me prend quelquefois déplaisir de quoi la connaissance n'en soit venue plus tôt, du temps qu'il y avait des hommes qui en eussent su juger mieux que nous.



*Properce, poète latin du Ier siècle av.J.-C.) :

"Le lierre vient mieux quand il vient de lui-même,

L'arbouse croît plus belles aux antres solitaires

Et les oiseaux sans art n'en ont qu'un chant plus doux"








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Problématique : il est question de remettre en cause les qualificatifs péjoratifs associés au soi-disant "Cannibales" : cf titre du chapitre


Une délibération est-elle possible ?


Exercice d'entraînement à l'exercice d'invention :

Vous proposerez une réfutation de la thèse de Montaigne


[C'est la contradiction qui donne la vie en littérature", Balzac]




"Je ne peins pas l'être, je peins le passage", Montaigne, Essais, Livre III, chapitre II, "Du repentir"